Ambiance scandale | Feat Swan & Jayan

Ambiance scandale

Jayan avait déjà vu du sang et, même si cela ne lui plaisait guère, il ne s’était jamais senti aussi mal. Mais ce n’était pas la présence discrète de ce liquide brunâtre qui le gênait le plus, c’était sa provenance et l’ensemble de cette situation sur laquelle il ne parvenait pas à avoir le moindre contrôle : Sa fille et sa femme qui se déchiraient, ses aveux aux allures d’excuses vaseuses, la culpabilité dont elles s‘accablaient injustement, son impuissance... Trop de choses qui s’accumulaient sur les ruines de son cœur, écrasant sa poitrine et lui donnant l’impression de ne plus pouvoir respirer librement.

Ce n’est d’ailleurs que par pur réflexe qu’il s’était jeté à genoux près de sa femme, geste instinctif qu’il n’avait pas plus contrôlé que le reste, se retrouvant contre-elle sans même sans rendre compte... Et sans le moindre regret. Il savait pourtant que c’était une erreur, que c’était égoïste mais cela lui fit un bien tel qu’il ne bougea pas tant qu’Esme ne réagissait pas. Entourer ses épaules pour la soutenir, profiter de la chaleur de son corps contre le sien, s’imprégner de son parfum délicat, sentir ses cheveux lui chatouiller la joue... Il n’avait rien oublié et donnerait tout pour pouvoir rester là.

Malheureusement, l’accalmie fut brève, Swan fuyant la scène de crime comme une tempête, arrachant un morceau de son cœur au passage. Quoi que ‘cœur’ était un bien grand mot : il n’en restait rien. Braise incandescente qui brûlaient sa cage thoracique et l’empêchait de respirer, ruine qu’il avait lui-même saccagé par sa stupidité. Jay avait fait trop d’erreurs, méritant plus que largement cette douleur intense et bien pire que la mort. Pire tout en étant terriblement similaire puisque l’homme était mort de l’intérieur depuis longtemps, vague coquille vide n’existant que dans l’espoir vain de retrouver sa famille. Espoir annihilé ce soir, sa mort était proche.

Était-ce donc le sourire du condamné qui s’affichait sur ses lèvres alors qu’il entendait la remarque de sa femme ? Peut-être un peu, sourire nerveux et désespéré, se raccrochant à ce petit mot d’Espagnol et à cette remarque totalement hors du contexte. Comme si le tailleur était le plus important, mince excuse pour détourner leur attention du problème central et de cet abominable sensation de tristesse. Rire même, dans un léger soupir en secouant doucement la tête. Un petit souffle d’air s’était infiltré dans ses poumons le temps d’une seconde, vague espoir. Nécessaire.

« Très élégant d’ailleurs. »

Se permit-il en lui lançant un petit regard malicieux bien que toujours teint de tristesse. Leur complicité semblait étrangement intacte à ce moment précis. Comme une faille temporelle, une étincelle dans la chronologie. Serait-ce possible ? Pourrait-il retrouver cette merveilleuse alchimie qui avait été sa raison de vivre depuis leur rencontre ? Était-ce simplement le désespoir qui leur donnait cette illusion ? Il ne voulait pas savoir, il n’avait plus la force de penser à rien d’autre. Appeler Aubin avait néanmoins allégé un peu sa conscience, ça aidait peut-être aussi.

« Laisses moi au mois vérifier qu’il n’y ait pas de verre dans les plaies... »

Supplia-t-il presque, reposant un genoux au sol pour mieux pouvoir observer les plaies de sa belle. Sa main chaude glissa avec tendresse sous son mollet pour relever doucement sa jambe sur la sienne. Le contact le fit frissonner mais il resta concentrer et sérieux, ne laissant pas ses doigts s’éloigner de leur mission première... Ce n’était pas trop grave, juste quelques égratignures plus impressionnantes que réellement problématiques. Avec la même attention, il répéta l’opération sur l’autre jambe, évitant le regard de sa femme pour éviter de craquer. Se concentrer sur les bouts de verres potentiels, ne pas laisser ses mains aller plus loin, ne pas lever les yeux au risque d’être trop près de son visage... Son cœur s’était remit à battre avec violence, les souvenirs remontant à la surface comme des vagues déchaînée.

Si bien que son pauvre cœur prit une nouvelle explosion en pleine poire en sentant les bras de la Mexicaine se glisser autour de son cou. La chaleur qui émanait de son corps irradiait dans celui de l’indien qui ne put que fermer les yeux, laissant son visage s’enfouir dans les cheveux de sa femme dans un soupir. Timidement, ses mains glissèrent dans son dos pour l’attirer un peu plus contre lui. Il ne voulait plus la lâcher, les larmes menaçant même de refaire surface tant il se sentait soulagé de ce contact si innocent. Elle lui avait tellement manqué, il avait tellement rêvé de ce moment, il en avait tellement besoin !

« Oui... » Murmura-t-il, les yeux toujours clos, ses doigts se crispant doucement dans son dos. Malheureusement, l’étreinte ne dura pas et il la laissa partir à contre-coeur, le regard trop humide mais courageusement vide de larme. « Je trouve quand même que nous avons meilleure allure qu’à Glasgow. »

Sourit-il de la même manière que plus tôt. Petite blague un peu nerveuse, hésitante et maladroite, souvenir d’une escapade en Écosse qui avait tourné à l’aigre suite à une tempête imprévue. Le jeune couple avait voulu faire une randonnée, se retrouvant prit sous la pluie et arrivant dans leur bed & breakfast trempés jusqu’à l’os et les pieds plein de boue. Séjour romantique merveilleux qui s’était soldé par un beau rhume et d’amusants souvenirs.

« Tu... Tu veux que nous allions chez moi ? Ce n’est pas à côté mais c’est assez rapide en voiture. »

Suggéra-t-il ensuite, étrangement gêné par cette proposition. Il avait été surpris qu’elle ne souhaite pas le laisser là, heureux de pouvoir l’accompagner un peu plus longtemps mais ne sachant pas réellement comment réagir. Était-ce une ouverture ? Un espoir ? Une simple réaction à l’effet de choc ? Un vieux réflexe ? Il avait tellement envie de l’embrasser, de tout oublier, de reprendre où ils s’étaient arrêté ! Mais il ne pouvait pas, il respectait ses choix et acceptait ses erreurs. Jay ne méritait pas son pardon, pas si vite. Hors il ne pouvait pas refuser cette occasion, il se devait d’obéir à son souhait, il l’aimait.

Comme un mécanisme d'auto-défense ou de reboot système, Esméralda ne pouvait s'empêcher des phrases en décalage avec les situations. Un mécanisme qui permettait de légèrement détendre l'atmosphère, peu importe les situations. Elle avait attrapé ça de sa propre mère, devenue aussi douée qu'elle pour sortir ces phrases hors contexte. Le principale était que cela fonctionnait en général, à des degrés différents certes, mais ça fonctionnait. La preuve étant la réaction de mari à ce moment…

Son rire, bien que léger, fit du bien à la mexicaine. Ils avaient besoin de penser à autres choses, c'était un besoin vital après tout ça. Au moins, elle savait toujours comment faire pour apaiser ne serait-ce que légèrement le cœur de cet homme. Souvent, elle se demandait comment cela était possible. De leur rencontre à ce soir-là, ils avaient toujours su comment s'apaiser. Etait-ce pour ça qu'elle l'avait si longtemps rejeté à son retour? De peur qu'il ne réussisse encore à rentrer dans son cœur, dans son esprit? Il était sa kryptonite, le seul capable de la rendre heureuse comme de la brisée. Alors baissé la garde comme elle le faisait à ce moment-là était dangereux, suicidaire même. Mais elle n'avait plus cette colère en elle, ces démons qui lui hurlaient de le faire partir et de rentrer picoler comme un trou.

Non, là, elle était vulnérable, plus aucun faux-semblant, plus de colère. Juste la Esme qui avait besoin de son Jayan. Un sourire sincère à son compliment, un échange de regard qu'elle ne connaissait que trop bien. Dire qu'elle pardonnait son choix était peut-être rapide, ils devraient en discuter, ils devraient faire beaucoup de choses si cela devait un jour réellement reprendre entre eux… Si… Au fond, elle l'espérait, mais la situation était tellement compliquée. Leurs enfants devaient être leur priorité avant toute chose… Swan en était la preuve, ils devaient se comporter en adulte de leur âge, en parent responsable… Même si l'idée d'agir comme à leur vingt ans était séduisante.

Alors, elle accepta qu'il vérifie ses jambes. Elle savait qu'il en serait malade si elle refusait et elle n'avait ni l'envie, ni la force de le briser encore un peu plus. Aussi, elle se laissa manipuler avec sa tendresse. Ses gestes la firent frissonner, son toucher brûlait sa peau. Comment était-ce possible après autant d'années? Jamais elle ne comprendrait… Ils se sont aimé, il s'aimait, une évidence que juste un idiot pourrais nié… Mais l'amour faisait-il réellement tout? Jamais elle n'avait brisé les vœux de leur mariage. Jamais elle n'avait été voir ailleurs, accepté de rendez-vous galant ou pire… Non, son cœur et son corps avaient toujours rejeté l'idée de se laisser aller dans les bras d'un autre. Juste la pensée lui donnait la nausée.

Alors, elle se jeta à son cou, besoin de cette sensation, de sa présence, de sa chaleur. Les larmes n'avaient cessé de couler qu'à ce moment-là en réalité. Il était rassurant, tout en lui inspirait la force et le respect au yeux de l'épouse envoûtée. Mais elle le relâcha finalement, relâchant une de ses fameuses phrases pour se détendre. « Je trouve quand même que nous avons meilleure allure qu’à Glasgow. »

Le souvenir la fit rire, rire sincère. Elle oublia un instant le moment présent en y repensant. Secouant la tête en essuyant une fois de plus ses yeux, elle le regarda, légèrement amusée. « Je t'avais tellement maudit sur le moment, de m'avoir entraînée dans cette randonnée… J'avais de la boue jusque dans mes sous-vêtements. » Elle grimaça légèrement à ce souvenir. Elle avait toujours été assez maladroite dans ce genre d'exercice. A plusieurs reprises elle avait glissé, entraînant le jeune policier dans quelques une de ses chutes. Mais le séjour avait tellement été parfait… « Tu crois qu'il existe toujours ce Bed & Breakfast ? » Un nouveau soupir léger, avant de secouer la tête doucement pour revenir à la réalité, se rendant compte qu'ils étaient toujours dans cette pièce de malheur.

Il fallait qu'ils bougent, loin. La pièce était douloureuse, le bar bien trop proche. A l'appartement, les triplés… Trop d'émotions pour en affronter encore plus. « Tu... Tu veux que nous allions chez moi ? Ce n’est pas à côté mais c’est assez rapide en voiture. » Etait-ce raisonnable? Certainement pas, non… Mais après réflexion, ils ne l'étaient plus depuis quelques minutes déjà…

La mère de famille le regarda, s'amusant un instant de son air gêné. Savait-il qu'il avait l'air si mignon? Un sourire taquin sur les lèvres, elle pencha la tête sur le côté légèrement   « Tu sais qu'on dirait Aubin? La première fois qu'il a invité une fille? Un vrai adolescent maladroit. » . Esmé avait décidé de chasser les sentiments négatifs, leur accordant un instant de répit dans un présent bien trop mouvementé. Prise d'un nouveau courage, elle se leva et retira ses talons, courageuse mais pas aussi téméraire pour continuer la route sur ses échasses. Perdant donc quelques centimètres face à son époux. « On y va? »

Ambiance scandale

Le départ de Swan avait été aussi douloureux que salvateur, ajoutant une petite pierre à l'immense mur de culpabilité de Jay qui sentait toujours ses jambes étrangement frêles sous son poids. Quoi qu'il fasse, rien ne semblait pouvoir prendre une bonne tournure et s'était épuisant, plus encore maintenant que ses mauvais choix avait physiquement atteint les deux femmes de sa vie... D'abord Swan un peu plus tôt dans les toilettes et maintenant Esme dont les genoux saignaient encore de ces micro blessures. Qu'il soit à terre ne le dérangeait plus, mourir encore un peu ne pouvait plus lui faire de mal mais elles ? Il ne supportait pas de les voir souffrir et encore moins en sachant que c'était par sa faute.

Alors oui, le départ de Swan avait été un déchirement à peine amoindrit par l'idée qu'Aubin prenne le relai mais, au moins, il pouvait prendre soin d'Esme. Esme qui, étrangement, se laissa faire docilement, sûrement épuisée elle aussi par cet avalanche d'émotion trop intenses... Délicatement et le plus sagement possible, l'Indien laissa donc ses mains retrouver le contact de sa peau douce. Sans bifurcations et en s'aidant d'un mouchoir imbibé d'eau attrapé pendant qu'elle s'installait, il nettoya les plaies de la belle, vérifiant qu'il n'y ait pas de morceaux de verre égarés. Ses doigts brûlaient au contact de sa peau délicate et l'envie d'y déposer ses lèvres fut très difficile à contrôler. Comment pouvait-il penser à cela dans cette situation ? Comment pouvait-il ressentir encore autant de passion pour elle après toutes ces années ?

Sûrement car il n'avait rien oublié, rêvant constamment de la retrouver, se souvenant de chacune de ses courbes avec une précision remarquable... S'il avait su dessiner, il aurait pu faire d'elle le plus vivant des portraits, son cerveau se souvenant même de l'odeur florale de sa chevelure et de la chaleur que son corps dégageait. En réalité, l'ombre d'Esme ne l'avait jamais quitté, dormant à ses côtés chaque nuit, veillant au dessus de son épaule à chacun de ses pas, hantant ses bras au moindre doute. Même absente, la Mexicaine avait été sa force et sa raison de vivre, vitale. Pas étonnant donc qu'il sente son corps entier exploser à cette brève étreinte volée...

Le temps qui s'arrête, son coeur qui se serre et ses yeux clos qui démangent... Il la serre un peu plus, prenant une grande inspiration comme dans l'espoir de charger ses poumons de son odeur. Il ne veut pas qu'elle parte. Hors toutes les bonnes choses ont une fin et, même si l'ambiance semble étrangement allégée par les paroles de la belle, ils n'en restent pas moins parfaitement traumatisés : le teint pâle et le regard vague, tremblant presque de cet épuisement moral qui draine lentement leur énergie physique. Etait-ce pour cette raison que la colère avait disparut ? Etait-ce simplement une victoire par KO qui n'allait être que temporaire ? Impossible d'y réfléchir, Jay ne pouvait plus que vivre l'instant et encore.  

« Ne t'en fais pas, je m'étais maudit aussi ! » Sourit-il, emporté par cet étrange joie qui l'aidait un peu plus à sortir la tête de l'eau. « Même si je dois avouer que la suite m'avait vite fait tout oublier. »

Avoua-t-il, rougissant légèrement face à cette partie du souvenir. Ils avaient en effet eu de la boue jusqu'à leur sous-vêtements dont ils avaient dû se débarrasser rapidement avant de passer le reste de la soirée près du feu de cheminée... Jeune couple qu'il était, la suite n'est pas dure à deviner et cette nuit reste l'une des plus belles dont il se souvienne : passionnée mais romantique, cocasse mais mémorable... Et ils en avaient vécu beaucoup d'autres, toutes bien ancrées dans sa mémoire et jusqu'au bout de ses doigts. Comme il aurait aimé pouvoir en créer d'autre, reprendre ce rêve où ils l'avaient arrêter... Mais c'était trop tôt, il ne le méritait pas, pas si facilement et pas sans en parler.

« Je pense qu'ils ont dû fermer après notre passage... »

S'amusa-t-il avec une lueur de malice au fond des yeux. Oui, en plus de s'être retrouvé boueux à faire des galipettes devant la cheminée, il avait aussi cassé un des pieds du lit... Pour leur défense, le B&B était plus que rustique et le propriétaire avait même avoué être étonné que le lit ait survécu aussi longtemps ! Séjour plus que cocasse donc, ils avaient beaucoup rit... Comme souvent à l'époque car il y avait cette complicité magique entre eux, cette parfaite harmonie du corps et de l'esprit. Esme était son âme soeur, il n'en avait jamais douté et y croyait encore. Jusqu'à son dernier souffle.

« C'est lui qui m'a tout appris. »

Admit-il, ses joues étant à nouveau un peu trop chaudes face à cette étrange invitation... C'était pourtant naturel en un sens, où pouvaient-ils aller si ce n'est chez lui ? Clairement pas au restaurant en vue de l'heure et de leur état, pas plus que dans un hôtel... Alors pourquoi se sentait-il si mal ? Comme un ado oui, c'était exactement ça ! Gêné, effrayé de faire une proposition déplacée, de la choquer plus qu'elle ne l'était déjà. Mais il avait surtout peur qu'elle pense qu'il comptait en profiter, qu'il abuse de cette faiblesse pour regagner son corps à défaut de pouvoir regagner son coeur... Hors ce n'était pas son genre, il n'oserait jamais, se sentant déjà mal d'avoir osé la toucher ou l'étreindre dans cet état. Un vrai gentleman, surtout avec la femme de sa vie.

« Laisse moi juste une seconde pour prévenir les autres et j'arrive. Tu peux passer par là, c'est la Ram bleue garée à droite. » Expliqua-t-il en lui tendant les clefs de la voiture et en lui montrant la porte de derrière d'un petit signe de tête. Sauf qu'elle avait enlevé ses chaussures ce qu'il ne remarqua qu'à cet instant, reprenant les clefs juste avant qu'elle ne s'en empare. « Attends moi au chaud plutôt, ce ne sera pas long. »

Sourit-il, de nouveau avec cette petite étincelle de malice sur laquelle il n'avait aucun contrôle. Il n'attendit pas pour reprendre la direction de la salle qu'il découvrit déjà presque vide, Ravi s'étant occupé d'évacuer doucement la foule... Une vraie bénédiction ce garçon ! Jay lui sourit avec une immense reconnaissance, posant avec tendresse une main sur son épaule.

« Désolé pour tout ça, je t'expliquerai demain. »

Promit-il, ému que son ami se contente de lui répondre par un sourire compatissant et un haussement d'épaules.

« Vous ne me devez rien Boss. » Répondit le jeune homme, sincère. « C'est moi qui suis désolé, je n'ai pas pu rattraper Swan... »

Chose qui avait énormément inquiété le garçon... Si bien qu'il avait lui aussi appelé Aubin quelques secondes à peine avant que Jay ne le fasse. Pauvre Aubin !

« Ne t'en fais pas, Aubin est au courant, il saura quoi faire. »

Soupira le père, inquiet pour sa fille mais ne pouvant rien faire de plus. Ravi semblait un peu sceptique par cet étrange association mais il ne posa pas plus de question, se contentant de dire à Jay qu'il allait fermer, le libérant ainsi officiellement de son poste. Un peu rassuré et terriblement reconnaissant, l'homme retourna donc dans le bureau où Esme l'attendait. Sans demander son reste (et sûrement car le fait de parler de Swan lui avait à nouveau retourné le coeur), l'Indien prit délicatement son épouse dans ses bras pour lui éviter de marcher sur le sol enneigé de la ville, même pour quelques pas.

« Désolé, je ne voulais pas que tu te blesses davantage. » Soupira-t-il, anticipant une probable contestation. Le trajet fut bref par chance, et il la laissa s'asseoir d'elle-même dans la voiture avant de faire le tour pour prendre le volant. « Ça change de notre petite mini... »

Tenta-t-il en allumant le moteur, autre souvenir de leur vie Anglaise. Sa première voiture avait été une Mini Cooper de la même couleur que celle ci, l'ancien modèle bien sûr, petite mais increvable et avec laquelle ils avaient pas mal vadrouillé avant de devoir la troquer pour plus grand à l'arrivée des triplets. Il avait parfois songé à en acheter une autre mais les route Canadienne, surtout l'hiver, n'étaient pas propices à ce genre de caprice. Il ne trouva d'ailleurs pas nécessaire de partager cet élément, concentré sur la route et sur les alentours, espérant presque croisé la silhouette de ses enfants au passage...

Et ce ne fut pas le cas. Le trajet fut effectivement bref et étrangement calme, les deux adultes sûrement tout deux inquiets des mêmes sujets. Ils allaient devoir avoir cette conversation, parler de l'avenir et des enfants, prendre des décisions... Jay n'en avait pas envie, il voulait juste rentrer et s'allonger avec elle, juste dormir dans ses bras pour reprendre de l'énergie. Rien de pervers, juste pouvoir la sentir contre lui comme à l'époque, juste cette douceur platonique qui l'avait tant de fois sauver sans qu'elle ne le sache. Il ne demandait pas la lune mais il savait que c'était trop quand même, monstre qu'il était...

Une fois la voiture entrée dans le garage, Jay s'empressa d'aller ouvrir la portière d'Esme puis il la guida vers l'intérieur de la maison. Cette dernière était spacieuse mais sobre. Naïvement, il avait prévu de la place pour toute la famille et même une chambre de plus pour sa soeur au besoin... Deux étages, une décoration chaleureuse dans sa simplicité, assez "Canadienne" malgré le temple installé dans un coin du salon et où trônait une autre statue de Ganesh. Discrets mais bien présents, quelques cadres de leur passé, vieilles photos conservées comme des reliques dans un box tenu secret pendant toute son absence, certaines ressorties de ses sauvegardes informatiques cachées au même endroit. Parmi ces photos, il y en avait quelques unes plus récentes qu'Aubin lui avait donné mais la vie de Jay semblait avoir été mise en pause... Et c'était vrai, il n'avait pas vécu sans eux, pas vraiment.  

« Si tu veux, il y a une salle de bain à l'étage, la première porte en haut de l'escalier. Tu as des serviettes propres dans le placard. »

Il n'y avait qu'un placard, elle ne pouvait pas se tromper... Et la porte était effectivement pile en face des escaliers. C'était la salle de bain "commune", grande et bien conçue, comme tout le reste. Jay avait vraiment tout prévu pour que sa famille soit heureuse... Tout à part sa famille visiblement... Quoi que ce n'était pas faute d'avoir essayer et il ne comptait pas rendre les armes. Jamais.

L'évocation de ce moment passé à Glasgow avait légèrement allégé la tension de la pièce. Permettant au deux amants de longue date de souffler. La trêve s'était naturellement mise en place pour leur permettre de réévaluer le tout. La colère, le ressentiment… Tout n'était que secondaire pendant ce bref instant. Du moins, aux yeux de la latina. Elle afficha un sourire sincèrement amusé à l'évocation de leur frasque dans cet endroit. Oui, la randonnée avait été catastrophique, mais le reste du séjour avait été tellement parfait. Malgré les nombreux moments surprenants, comme ce lit qui avait cédé. Esmé n'avait pas besoin de regarder son mari pour savoir qu'il avait pensé à la même chose qu'elle, pourtant elle le fit. Appréciant ce regard malicieux comme à l'époque. Grimaçant légèrement à l'évocation de la fermeture cela-dit. « Quel dommage, j'aimais bien cet endroit..Enfin, sans le côté randonnée. »

Son mari avait toujours été son monde. Même après cette disparition soudaine. Elle lui en avait voulu, elle ne savait pas comment vivre sans lui. Et même si elle avait remonté la pente, cela serait un mensonge de prétendre qu'elle y arrivait mieux. Être âme-soeur avait autant de qualité que de défauts. L'impression de ne plus savoir respirer loin de lui ne l'avait jamais quitté. Alors maintenant qu'il était là et que ses démons s'étaient calmés, elle avait cette impression de redécouvrir l'air frais.

L'air gêné était cependant assez rare. Enfin, elle ne l'avait jamais vu comme ça avec elle… Où alors pas depuis le tout début de leur histoire. Pour elle, il avait toujours eu l'air si fort et apaisant. Pas facile à faire tomber, une montagne à côté de qui, elle n'avait l'air que d'une petite colline. Attention, une colline toute mignonne cependant… Enfin soit, la belle mexicaine décida de ne pas relevé la réponse, histoire de ne pas l'embrasser encore plus.

« Laisse moi juste une seconde pour prévenir les autres et j'arrive. Tu peux passer par là, c'est la Ram bleue garée à droite. » Alors qu'elle s'apprêtait à attraper les clés sans faire plus attention, celui-ci les reprit rapidement avec ce sourire qui lui était propre. Il lui demanda d'attendre avant de filer… Elle pouvait tout de même traverser quelques centimètres dans la neige, cela ne l'aurait pas tué… Cela aurait même pu lui rafraîchir les idées… Était-ce une bonne idée…? Esme avait entièrement confiance en lui, en ses valeurs multiples. Elle lui en voulait pour une action en particulier, pas le reste. Cependant, tenter le diable comme ça? Que penserait-elle demain à tête reposée?

Elle se connaissait assez pour savoir qu'elle n'allait pas regretter son geste, mais elle se connaissait aussi pour savoir que sans cette discussion fatidique, tout serait instable entre eux. Plongée dans ses pensées, elle sursauta en se sentant décollée du sol. Prête à protester, elle fut prise de cours par son époux. Comment faisait-il pour toujours avoir cette longueur d'avance sur elle? « C'est que de la neige Jayan… je risquais pas grand chose. » Elle aurait put dire simplement "merci" pour cet acte en soit, protecteur et romantique, mais il ne fallait pas abuser non plus… Souriant à l'évocation de la mini tout en s'installant dans la voiture, bien trop grande pour elle. « C'est vrai… je touchais le sol dans la mini… »

Ne sachant pas trop quoi dire pendant le trajet, l'avocate observa le chemin, replongeant dans le souvenir de cette scène atroce… Swan, les paroles difficiles, cruelles… Les pleurs et les cris… Comment allait-elle gérer tout ça? Est-ce que Jayan l'aiderait? La soutiendrait? Est-ce qu'il resterait définitivement? Un tas de questions qui taraudait la femme mariée. Alors qu'elle s'apprêtait à reprendre la parole, la voiture s'arrêta face à un garage. « Je vois que tu n'avais pas menti en disant pas loin… »

Curieuse, et après l'avoir remercié pour son geste galant, elle entra dans la maison, prenant un moment à détailler ce qu'elle voyait. Une maison mise sur pause, comme un film célèbre dont elle ne connaissait plus le nom… Le film de cette femme qui regardait l'amour de sa vie partir avec une autre. Figeant sa maison sur le soir de Noël, ne retirant aucune décoration, tout restait là l'année entière. Oui, elle comprit rapidement à la vue des photos, aux bibelots anciens que son mari ne vivait plus… La culpabilité la reprit de plus belle, les larmes toquaient à ses yeux à nouveau…


«  Si tu veux, il y a une salle de bain à l'étage, la première porte en haut de l'escalier. Tu as des serviettes propres dans le placard. » Sauvée par le gong, elle se contenta d'hocher la tête, déposant son sac, qui ne l'avait jamais quitté, comme une bouée de sauvetage, sur un meuble. Ses talons déposés à l'entrée et elle fila rapidement à l'étage sans demander son reste.

Une fois dans la dîtes pièce, elle alluma l'eau rapidement, prit deux serviettes et entra dans la douche. La chaleur de celle-ci détendit les muscles tendus de la mexicaine, lui procurant un instant de répit dans la guerre psychologique que son cerveau et que la vie avaient d'un commun accord, décidés de mener contre elle. Elle profitait de l'eau chaude sur son visage, retirant donc au passage le maquillage déjà bien dilué à cause des larmes passées. Dans ses pensées, elle commença à se laver avec le gel douche et le shampooing de Jayan. Quitte à être désespérée… Autant sentir bon, non? Une fois fait, elle coupa l'arrivée d'eau et sortit, s'enroulant dans une serviette, et séchant sa chevelure de l'autre. Elle remarqua à ce moment-là qu'elle n'avait en réalité pas de vêtement de rechange… Aussi, elle rattrapa juste sa culotte et partit à la recherche de la chambre du bel homme.

La recherche fut rapide, peut-être grâce à son instinct? Peu importe, sans se poser la question de si ça le dérangerait ou non, elle pénétra dans la chambre, découvrant une chambre très bien entretenue, décorée avec goût à nul point douter. Elle se dirigea vers l'armoir, tenant d'une main sa serviette afin qu'elle ne tombe pas. Histoire de ne pas rendre la chose encore plus embarrassante… Avec une légère appréhension, elle ouvrit celle-ci et attrapa un pull de son mari pour l'enfiler rapidement. L'avantage d'être une minimoys était que tous les vêtements de Jay avait l'air d'une robe pour elle.  Le pull s'arrêtait juste au milieu de ses cuisses. Cachant ce qu'il y avait à cacher. Elle avait toujours eu cette habitude de lui voler des pulls ou des chemises à l'époque. Pour avoir son odeur constamment avec elle.

Retour dans la salle de bain, elle mit à pendre les serviettes pour que celles-ci sèche. Elle plia rapidement ses vêtements qu'elle déposa dans un coin de la salle de bain et redescendit voir l'homme qu'elle avait abandonné en bas quelques instants plus tôt. « Merci beaucoup pour la douche… Et j'espère que tu ne m'en voudras pas, mais je t'ai emprunté un pull… » . Elle leva le regard vers lui, lui souriant doucement, désolée d'avoir commis ce vol sans lui demandé mais ne regrettant pas du tout en réalité… Délicatement, elle s'approcha de lui, soupirant doucement avant de se lancer. « Il faut qu'on en parle... Non? »

Ambiance scandale

Le séjour à Glasgow, leur rencontre, leurs coups de coeur et leurs coups de gueule... Jay n'avait rien oublié, bloqué dans le passé depuis son départ, condamné à revivre les moments de bonheur pour survivre dans le malheur qu'il s'était lui-même imposé. L'homme s'était souvent pensé fou de se souvenir à ce point de menus détails, des sourires de ses enfants à la douceur des cheveux de sa femme, des bribes de conversations à la douceur de ses caresses... Mais Esme semblait aussi avoir gardé de beaux restes de leurs aventures, mince espoir qu'il lui restait un petite chance dans ce brouillard tranchant. Avait-il tort d'y croire autant, lui qui n'avait plus que l'espoir pour avancer depuis des années ? Sûrement oui, sauf que son esprit était trop faible pour lutter sur son coeur qui n'avait d'yeux que pour elle...

« C'est vrai que ce n'était pas le meilleur aspect de ce séjour. »

Sourit-il avec un haussement d'épaules amusé. Il avait pourtant aussi un bon souvenir de ces paysages grandioses et de cet air pur... Sans compter la vue de cette femme sublime, ses longs cheveux bruns virevoltant autour de son visage au milieu d'une nature sauvage. Ou tombant sur ses épaules trempées auprès du feu... Des images qui le firent frissonner, lui donnant envie de revenir en arrière ou de l'embrasser comme à l'époque, avec passion et sans retenue... Hors le passé était loin derrière eux, impossible à reproduire par sa propre faute. Monstre.

« On ne se refait pas. »

Admit-il ensuite avec un petit sourire coupable, tentant de minimiser les contacts malgré la proximité qu'il s'était également infligé. Masochiste pur et simple, le coeur en vrac et toujours capable de faire pire... N'avait-il donc aucune pitié pour son âme ? Non, il n'y avait qu'elle qui comptait à ses yeux, depuis toujours et à jamais, même si ces dernières années avaient été loin de pouvoir le prouver. Monstre oui, le mot était faible...

« Oui mais moi je touchais le plafond... »

Ajouta-t-il avec un petit rire, autre souvenir agréable de leur ancienne vie, changée à jamais pour quelque chose qui y était tout opposé... Comme l'illustrait à merveille cette nouvelle voiture finalement. Constat qui expliqua peut-être l'étrange silence qui avait suivit ? Ça ou l'inquiétude de savoir leurs enfants dans les rues froides de la ville ? Ou la peur de cette conversation que lui redoutait plus que tout au monde ? Impossible à dire, une chance que le trajet fut bref.

« Je ne suis pas un menteur. »

S'amusa-t-il, ravalant bien vite son sourire en réalisant l'ampleur plus que maladroite de ses paroles... Pas un menteur non, pas vraiment du moins... Mais un lâche oui, un minable, un crétin, un goujat... Déglutissant péniblement, l'ancien mafieux décida d'ouvrir le pas pour guider la belle dans sa demeure, étrange preuve qu'il n'avait pas vécu pendant toutes ces années. Une maison en arrêt pour une vie qui n'avait pu suivre son cours. Trop de souvenirs, de regrets... Une prison dorée pour lui qui s'y complaisait, conscient qu'il ne méritait rien de mieux.

Rien de mieux que cette solitude entouré des visages pour lesquels il continuait d'exister malgré tout. Rien de plus que cette grande maison qu'il rêvait de voir remplie un jour, douce illusion. Et pourtant il se sentait différent maintenant qu'elle était là, maintenant que son parfum voletait discrètement dans la pièce, faisant battre son coeur à nouveau, comme il n'avait plus battu depuis très longtemps. Douce illusion.

Pendant l'absence de la belle, Jay s'était affairé en cuisine, préparant un thé aux épices et quelques biscuits. Il n'avait pas faim pour sa part mais un thé ne pouvait pas lui faire de mal... Il avait besoin de réchauffer un peu son âme et de reprendre ses esprits. Quant aux biscuits, il savait qu'Esme les apprécierait même si ses goûts avaient sûrement changés depuis. Au pire des cas, il avait d'autres babioles dans ses placards pour occuper leurs doigts pendant cette conversation délicate...

Piégé dans ses craintes, le regard perdu dans le thé entrain de bouillir, Jay n'entendit pas son épouse redescendre. La crème de lait s'était doucement formée à la surface de sa préparation odorante, dessinant des formes qu'il trouvait étrangement fascinante... Il avait peur tout en étant le plus heureux des hommes car elle était là. Esme était enfin à ses côtés sous ce toit, dans cette maison qu'il avait pensé pour eux... Un rêve devenu réalité qui pouvait tourner au cauchemar dans la seconde. Mais pas tout de suite. Pas avant cette vision miraculeuse qu'il n'aurait jamais cru revoir un jour... Bénédiction avant la mort.

« Il te va mieux qu'à moi. »

Sourit-il, peinant à cacher son admiration. Jay n'avait jamais su la regarder autrement qu'avec cette étincelle au fond des yeux et ce sourire rêveur. Quel pouvoir elle avait sur lui, comme il était heureux d'être ainsi condamné ! Et pourtant la suite lui plomba le coeur, le poussant à regarder le sol dans un soupir. Oui, il fallait qu'ils parlent, aussi dur que cela puisse être.

« J'aurais aimé remettre ça à demain et vivre un peu plus longtemps dans cette douce illusion mais, tu as raison, ce ne serait pas raisonnable. » Admit-il, éteignant le feu sous la casserole. Il souriait toujours mais d'un sourire triste, l'étincelle dans son regard s'étant affaiblie sans pour autant laisser place aux larmes. Il fallait être adulte, il devait être fort. «  Tu en veux ? Je pense qu'il nous faudra des forces... » Proposa-t-il, les deux tasses déjà sorties. « J'ai aussi du café ou de quoi faire un chocolat chaud si tu veux. Et quelques biscuits aussi. » Ta marque préférée se retint-il de dire, conscient qu'il devait avoir l'air assez pathétique comme ça. « Installons nous au salon, ce sera plus confortable. »

Suggéra-t-il quand ils furent servit. Dans le salon, il s'installa sobrement sur l'un des fauteuils pour veiller à lui laisser de l'espace. S'éloigner de la tentation, de la torture que représentait son corps qu'il ne pouvait plus toucher. Il alluma la cheminée à l'éthanol d'un simple clic de télécommande, pâle copie de celle qu'ils avaient connu à Glasgow ou dans d'autres lieux tout aussi romantique, autre vestige de leur passé qu'il ne voulait pas oublié.

« Je ne sais même pas par où commencer... » Avoua-t-il, osant difficilement la regarder dans les yeux. « J'aurais dû t'obéir et disparaître pour de bon, je suis désolé. »

C'était sûrement un bon début... Le meilleur qu'il puisse lui offrir en tous cas. Que pouvait-il dire de plus ? Rien de tout cela ne serait arrivé s'il avait écouté sa requête et s'il avait disparut pour de bon au lieu de rester. Ange gardien de pacotille, mécréant... Tout était de sa faute.  

La délicieuse odeur des épices avait naturellement guidé la mexicaine vers la cuisine. Elle avait toujours aimé les préparations de son mari. Que cela soit en cuisine ou , comme elle le sentait de loin, de ses boissons chaudes. Il avait ce don de rendre les choses si simples, tellement apaisantes. Là où Esmé rendait les choses piquantes. Des épices différentes , des résultats différents… Mais cela avait toujours fonctionné dans le passé. Cela pourrait-il à nouveau fonctionner ? Elle n'en savait rien, peut-être que le reste de la soirée finirait-elle de les éclairer une bonne fois pour toute?

« Il te va mieux qu'à moi.  » Comme si elle réalisait soudainement, Esmeralda rougit. Tirant légèrement sur le pull comme pour se couvrir un peu plus. Même si le regard de Jayan semblait admiratif, elle ne pensait qu'à une chose: elle avait vieilli. Dix ans qu'il ne l'avait plus vue comme ça. Elle avait moins de forme qu'à l'époque, conséquence de ces nombreuses années d'alcoolisme où elle avait perdu énormément de poids. Certes, elle avait repris depuis, mais pas comme à l'époque… Démaquillée, juste vêtue d'un pull, il pouvait voir sa peau marquée par la vieillesse, ses défauts… La mexicaine rougissait comme une adolescente, ne relevant pas, afin qu'il ne s'attarde pas plus sur elle.

Parler de la discussion fut une excellente échappatoire à cette gêne… Sauf qu'une autre s'installa à la place. Bien joué Esmé… mais au final, cette discussion, bien que désagréable et inconnue devait avoir lieu…Elle remarqua le sourire triste de son mari, preuve que lui aussi redoutait ça. Tant mieux, elle se sentira moins maladroite si ils étaient deux à marcher sur des œufs… non? « Tu en veux ? Je pense qu'il nous faudra des forces... J'ai aussi du café ou de quoi faire un chocolat chaud si tu veux. Et quelques biscuits aussi. » Elle baissa les yeux sur les biscuits, ne pouvant s'empêcher de sourire comme une enfant face au biscuit au goût sirop d'érable qu'elle affectionnait tant. « Du thé, c'est parfait merci… Et je ne dirais pas non à ces merveilles… ça fait des années que je n'en avais pas mangé. » Et comme une enfant, elle en piqua un avant d'être servie.

Une fois le thé versé, elle attrapa sa tasse et le suivit dans le grand salon. Toujours aussi surprise par le bon goût de l'ex policier. Oui, il avait toujours sut comment décorer sans charger les choses.  Une chance, car la mexicaine, elle, sans doute dû à ses origines, adorait les babioles inutiles… Combien de fois avait-il dû la freiner dans ses achats impulsifs? Un millier de fois au moins. Elle le regarda s'installer sur un des fauteuils, avant d'aller elle-même vers le grand canapé. Par chance, elle y trouva un énorme plaid qui avait l'air bien chaud. Alors, sans attendre quelconque permission, elle se glissa en dessous, soulagée de cacher ce corps qu'elle trouvait vieilli au regard de son mari, tout en faisant attention à son thé.

« Je ne sais même pas par où commencer... J'aurais dû t'obéir et disparaître pour de bon, je suis désolé. » Un soupir s'échappa de ses lèvres en l'écoutant. Elle réfléchissait à comment formuler ses phrases, regardant à son tour sa tasse de thé. « En fait… Tu m'as bien trop obéis en restant à distance tout ce temps… » Avec son majeur, elle tournait autour des bords de la tasse.

Oui, il n'aurait pas dû lui obéir. Surtout au vu de son état à cette époque là. Bourrée du matin au soir, incapable de passer une journée sans une bouteille d'alcool qui coulait dans ses veines. Putain d'addicte incapable de s'en sortir. Ronger par la tristesse et la colère… « J'étais pas… dans un état… décent. » Douloureusement, elle leva les yeux vers lui, honteuse de cette faiblesse. « J'aurais dû te laisser revenir dans leur vie… Tout ça… Avec Swan… ca ne serait jamais arrivé si je ne t'avais pas chasser… C'est de ma faute, pas la tienne…» Oui, tout ce qu'il s'était passé depuis qu'elle l'avait envoyé balader était entièrement de sa faute. Il n'avait pas à s'en vouloir. Les larmes remontèrent, ces garces toujours prêtes à la prendre d'assauts ce soir-là. Délicatement, elle essuya ses yeux du revers de sa main libre. « Après ton départ… j'ai été… une mère horrible. Je suis désolée Jayan.»

Ambiance scandale

Ils avaient changé bien sûr, lui avec sa barbe cachant quelques rides, elle avec ses kilos en moins, les deux avec les traits tirés par ces années de lutte. Dix ans s'étaient écoulé depuis, dix ans d'épreuves et de doutes, dix ans d'une séparation que Jay avait trouvé pire que la mort mais qu'il avait continué de supporter pour tenir sa promesse.

Promesse qu'il avait maintes fois rêvé de rompre, ne restant à l'écart que pour ne plus jamais voir cette haine au fond de son regard. Sentiment justifié mais ô combien douloureux que l'Indien avait à peine pu surmonter la première fois  Pire qu'une balle en plein coeur ou une lame tranchante, torture immonde qu'il s'était pourtant infligé à lui même il y a dix ans de cela.

C'était donc un miracle que cette haine se soit dissipée bien qu'elle ait finalement laissé place à une étrange gêne. Oscillant entre souvenirs taquins et aveux à demi-mot, les deux amants ne savaient plus sur quel pied danser alors qu'ils avaient jadis enflammé les planches... Et ce même si Esme continuait d'enflammer le coeur de Jayan en revêtant l'un de ses pulls comme on revêtait une vieille habitude. Si seulement !

Hors son silence et cette façon de cacher son corps sous le tissu étaient bien la preuve que ces habitudes la étaient de celles qu'on finissait par oublier. Recaler dans un recoin sombre de nos mémoires avec toutes les peines qu'elles avaient causé, oubliées volontairement pour moins souffrir, instinct de survie. Lui même avait tenté d'effacer tout ça mais ce fut impossible, la maison en étant une illustration assez parfaite.

Tout ici lui rappelait sa famille, ce qu'ils avaient vécu et ce qu'ils auraient pu vivre. Les photos, les biscuits, les détails... Il ne manquait que le chien pour les réunir pour que le tableau soit parfait. Et pourtant il restait seul au milieu de ce cadre sans âme, seul avec sa musique et ses démons. Combien de temps pourrait-il ainsi maintenir l'illusion ? Pourquoi s'obstinait-il autant ?

« Je n'aurais jamais cru que tu aurais pu t'en passer. »

Sourit-il pourtant, ne pouvant s'empêcher d'être attendrit par son regard enfantin. Il n'avait rien perdu de ces vieux réflexes de tendresse, sûrement car il les avait trop rêvé. C'était ça son problème, il ne vivait que dans ses rêves, ne faisant qu'exister vaguement quand il était éveillé... À part quand il était avec Aubin bien sûr, son phare dans l'obscurité, sa nouvelle raison de se battre, le regain d'énergie qui lui avait manqué. Mais ça ne suffirait sans doute pas cette fois.

Surtout en voyant les yeux de sa belle s'humidifier de nouveau par sa faute alors qu'ils entamaient déjà cette fameuse conversation dont il ne voulait pas. Pourquoi ne pas simplement faire table rase du passé ? Oublier ces dix années et reprendre à zéro ? Ils étaient heureux avant non ? Une famille aimante et unie, un pays où ils se sentaient chez eux, où tout se passait bien... Pourquoi s'encombrer de ces moments si sombres ? Mais ce n'était pas si simple, tout comme le fait de reprendre la parole après ses aveux douloureux... Une gorgée de thé fut à peine utile mais nécessaire à réhydrater sa gorge trop serrée par l'émotion.

« Je n'avais pas le droit de revenir dans vos vies après autant de temps Esme, tu as eu raison. »

Admit-il, les coudes posés sur les genoux et sa tasse tournant nerveusement entre ses deux mains. Il ne pouvait pas la regarder, fixant donc la table basse qui trônait devant lui. L'envie de la prendre dans ses bras le démangeait mais il n'en avait pas le droit non plus, il devait être fort pour ne pas laisser aux souvenirs le moyen de les faire dévier de cette conversation.

« Nous avons tous les deux fait de notre mieux en suivant ce que nous pensions être le moins douloureux pour eux. » Reprit-il après un très bref silence, trouvant enfin le courage de relever les yeux vers elle. «  Il nous était impossible de tout prévoir et nous ne pouvons pas revenir en arrière de toute façon. » Terriblement vrai et ce n'était pas faute de vouloir ardemment le contraire. « La seule chose que nous pouvons espérer est de ne pas reproduire les mêmes erreurs sans trop... Sans trop les brusquer même s'il est sûrement trop tard. » Repenser à Swan lui fit avoir un haut le coeur, tout comme le souvenir de cette brève entrevue avec Julian quelques jours plus tôt... Trop tard oui, minable jusqu'au bout. « Je crois qu'Aubin est le seul a avoir bien prit de me retrouver ici... » Avoua-t-il, le coeur lourd, bien décidé à ne plus rien cacher à Esme. « Il était au pub avec des amis un soir, il avait fait tellement de recherches sur l'enquête et était si certain que j'étais en vie que tout lui a semblé naturel. Je lui ai demandé de ne rien vous dire mais nous avons... Nous avons fait en sorte de vous aider plus activement depuis. » Ce serait trop long à expliquer pour ce soir, des détails par rapport à ce qui les intéressaient vraiment. « Quant à Julian, nous nous sommes brièvement croisés récemment mais je suis presque sûr qu'il s'est persuadé que ce n'était qu'une illusion... Il ne m'en reste donc qu'un seul à traumatiser à moins ce que nous arrivions à lui en parler bien que j'ignore comment. » Soupira-t-Il, libérant une de ses mains pour la passer sur son visage dans l'espoir d'effacer tout prémisse de larme. Il s'en voulait tellement. « Il aurait mieux valut que je quitte la ville pour faire les chose plus doucement, qu'on en discute à tête reposée... Je suis tellement désolé de ne pas avoir été capable de prendre la moindre bonne décision sans toi... » Soupira-t-il de nouveau, replongeant un regard sincèrement triste dans celui de son épouse. « Je n'ai jamais été capable de faire les bons choix sans ton aide, je n'aurais jamais dû partir... »

Admit-il finalement, toujours aussi sincère et parfaitement incapable de ne pas ressasser le passé. C'était trop lourd, trop dur, impossible... Sans compter qu'il n'était effectivement rien sans elle, il l'avait toujours su.  

Cette discussion était un supplice pour les deux amants. Un obstacle difficile mais nécessaire si ils voulaient avoir une chance d'avancer à nouveau dans le bon sens pour leur enfants et avec un peu de chance, pour eux-même en tant que couple. Pourrait-il reprendre cette vie qui leur manquait tant à tous? Calmer les colères de chacun? Oui, mais comment? Comment allaient-ils apaiser le cœur de leur fille? Jamais encore, elle ne l'avait vu aussi secoué que ce soir-là.

Sa fille, si douce sortir des phrases aussi dur, cracher avec une haine qu'elle n'imaginait même pas possible. Swan avait toujours été son petit ange gardien. Et il était bien là le problème, jamais elle n'aurait dû être le petit ange gardien de la famille, c'était le rôle d'une mère et non celui d'une adolescente qui venait de fêter ses quinze ans. Esmé était prête à tout prendre sur le dos si cela permettait à sa fille de renouer avec ce père qui lui avait tant manqué. Car oui, malgré tout, elle le savait, Swan aimait son père, c'était indéniable.

Le regard sur son mari, elle analysait chacun de ses mots, observait chacun de ses gestes. Jayan n'avait jamais tenté de cacher ses sentiments. Que cela soit sa tristesse, sa colère ou encore son bonheur. C'était ça qui avait fait craquer la mexicaine à l'époque et qui continuait de la faire craquer aujourd'hui. Oui, c' était un homme qui n'avait pas peur de montrer ses sentiments, ses émotions. Tout semblait tellement plus simple avec lui.

La faute partagée, il remettait cependant la chose sur lui. Pourquoi? Certes, il était parti et ça encore aujourd'hui, elle lui en voulait. Mais il avait toujours tout prévu pour le bien de sa famille. Des passeports, une maison, de l'argent… C'est elle qui avait refusé, elle qui avait changé tous les plans par colère et aussi, par peur, il fallait l'admettre. C'est elle, qui avait préféré écouter sa colère plutôt que la voix de la raison. Alors, elle secoua à nouveau la tête.

« Non… Si j'avais fait au mieux pour eux, j'aurais suivi tes directives… » Elle regarda sa tasse à nouveau, bien consciente de ses erreurs à cette époque. Jayan avant cependant raison, ressasser le passé n'était peut-être pas une bonne idée. Se concentrer sur l'avenir était la priorité. « Tu as raison sur le reste, il faut qu'on se concentre à limiter la casse… »

« Je crois qu'Aubin est le seul a avoir bien prit de me retrouver ici... Il était au pub avec des amis un soir, il avait fait tellement de recherches sur l'enquête et était si certain que j'étais en vie que tout lui a semblé naturel. Je lui ai demandé de ne rien vous dire mais nous avons... Nous avons fait en sorte de vous aider plus activement depuis.  » Si elle avait déjà compris plus tôt dans la soirée que le plus âgé de ses fils avait contact avec son père, elle n'avait pas imaginé que celui-ci avait été jusqu'à mener l'enquête. Peut-être que si elle avait été moins ivre, elle aurait remarqué tous ces détails? Peut-être que si elle n'avait pas gardé le silence sur son  mari, son fils serait venu la voir, lui annoncé? Encore un cortège de mauvaises décisions.

La discussion se dirigea ensuite sur Julian. L'avocate écoutait attentivement, buvant un peu de son thé qui réchauffa légèrement son corps. Bon, cela en faisait trois sur quatre au courant… Tout semblait lui avoir échappé sans même qu'elle n'ai vu quoique ce soit. Elle analysait chaque parole, hochant la tête distraitement avant de lui sourire doucement à l'évocation du dernier.   « Je crois que pour toi, ça se passera bien avec lui… Encore maintenant, tu es son modèle… Il est devenu policier pour ressembler à son héro de toujours… mais je sais que tu le sais déjà… » Oui, elle s'en doutait. Son mari savait toujours tout. Tenter de lui cacher quoique ce soit était souvent en vain. Elle se demandait encore comment il avait réussi à les retrouver après autant d'années. Mais une fois de plus, c'était Jay. S' il voulait savoir quelque chose, il allait le savoir. Il était ce mafieu reconverti très talentueux. Et que leur fils suivent son exemple en revêtant l'uniforme était au fond, une fierté au yeux de cette mère déboussolée.

Le regard triste de son mari suivi de ces paroles rendirent la mexicaine perplexe. Elle avait tellement voulu entendre ces mots. Surtout les derniers… « Je n'ai jamais été capable de faire les bons choix sans ton aide, je n'aurais jamais dû partir... » Oui, il n'aurait pas dû… ou du moins, pas comme ça, pas comme un voleur… Elle chercha ses mots, humidifiant ses lèvres. Que répondre à ça? Que dire? Elle aussi était perdue sans lui au fond… « Si ça peut te rassurer… C'est la même chose pour moi. »

Devait-elle tout dire? Était-ce une bonne idée? Et si pas maintenant, quand? Non, il fallait tout dire. C'était le moment ou jamais… Il fallait abattre les derniers murs qui les empêchaient d'avancer et se dire les choses. Après une nouvelle gorgée, elle décida d'enchaîner avant que son courage ne s'évanouisse à nouveau. « Je mentirais si je disais que je ne t'en veux plus d'être parti Jayan… Revenir ce soir-là et ne plus te voir, ça m'a brisé le cœur… J'aurais voulu qu'on en parle, même si ça devait finir par ton départ. » Elle était sincère. Si après cette discussion, il avait été persuadé que cela aurait été la meilleure idée, ok. Elle l'aurait laissé faire… Mais elle aurait voulu un aurevoir, une dernière nuit avec lui. Qu'il serre ses enfants une dernière fois en leur disant qu'il reviendrait.

Elle se pencha pour poser sa tasse sur la table basse et elle le regarda, sincère et sans doute triste aussi, elle ne se rendait pas bien compte de quoi elle avait l'air. « Mais je te mentirais aussi si je te disais que je ne t'aime plus. Et ça me fait peur… Ca me fait peur car même si c'est difficile, te savoir là me fait du bien. Mais, est-ce que tu resteras cette fois? » Sa voix se brisa à la dernière question. Elle ne s'était pas rendu compte à quel point cette idée lui faisait peur. Elle remonta un peu plus le plaid sur elle en baissant les yeux, honteuse d'avouer cette peur à voix haute.

Ambiance scandale

Bien sûr, Jay s'était maintes fois poser la question. Enfin les questions concernant leurs choix respectifs. Que ce serait-il passé s'il avait attendu leur retour pour leur parler de son plan ? Que ce serait-il passé si elle avait accepté de le suivre ? Il savait juste que la maison qu'il leur avait offert n'avait pas été visité pendant son absence, preuve qu'elle était tout de même assez sûre malgré la situation... Quant aux comptes, peut-être aurait-elle attiré l'attention en sortant de l'argent ? Il avait certes tout prévu mais son ennemi n'était pas le premier des imbéciles, connaissant sûrement beaucoup des méthodes utilisées par l'ancien mafieux pour se tirer d'affaire... Et s'il avait simplement dit qu'il voulait partir ? Auraient-ils mieux compris ? Auraient-ils mieux accepter son silence et la durée de son absence ? Comment aurait-il pu leur promettre qu'il allait revenir ? La protection de témoin lui avait aussi effleuré l'esprit bien sûr, moins souvent remarque en vue de l'aspect plus incontrôlable de celle-ci. Trop de corruptions, trop de contacts, trop de choses sur lesquelles il n'aurait pas la main... Mais il aurait été là pour les protéger oui... Au moins ça... Jusqu'à ce qu'il tourne le dos et que l'autre en profite.

Trop de "si", trop de doutes et de peurs, trop de regrets aussi mais que pouvaient-ils y faire au juste ? Impossible de revenir en arrière, impossible de savoir lequel des deux avaient eu raison... Non, lequel des deux avait eu "le moins tort" plutôt car ils en étaient là. De mauvais choix prit des deux côtés, erreurs commises en toute bonne foi et dans l'espoir de faire le moins de dégâts possible. En voulant bien faire, ils avaient tous deux détruits ceux qu'ils aimaient tout en se détruisant eux-même. Mais était-il trop tard pour recoller les morceaux ? Pour essayer de recommencer ? Le phénix n'était-il pas capable de renaître de ses cendres ? Jayan l'espérait, c'est même la seule chose qui l'avait maintenu en vie depuis dix ans. Ça et l'optimisme de son fils qui alimentait grandement le sien. Sans lui il ne serait peut-être pas là d'ailleurs... Car que valait sa vie sans eux et sans espoir ?

« Tu les aurais suivi plus facilement si j'avais pris le temps de te les expliquer en amont... J'avais prévu cette éventualité depuis longtemps mais n'avait fait que l'évoquer sans le faire, sûrement par peur que ça se réalise... Ta réaction a été légitime. » Corrigea-t-il, toujours aussi sincère et conscient de sa part de responsabilité. Mais se renvoyer la faute ne servait à rien, il fallait aller de l'avant. « En espérant que ce soit encore possible... » Soupira-t-il tristement avant d'évoquer ses rencontres avec deux des garçons. Une bonne et l'autre bien moins convaincante sans avoir été aussi traumatique que celle de ce soir... « Je sais oui. » Sourit-il, soudain plus lumineux à l'évocation de ce petit espoir. Son cadet avait effectivement opté pour les forces de l'ordre ce qui avait rendu l'Indien plus que fier quand il l'avait su. « Et il faut admettre qu'il m'a fallut un moment pour y croire... » Avoua-t-il, reposant un regard tendre sur son épouse, ses yeux toujours trop humides à son goût bien que les larmes restent encore sages... « En tous cas, j'espère que tu as raison je... Je ne suis pas certain de pouvoir supporter plus de haine même si elle est amplement mérité... »

C'était aussi sincère que le reste et son regard ne le cachait pas. Jay n'avait jamais caché ses sentiments, pas à sa famille en tous cas. Il n'avait jamais hésité à pleurer devant un Disney avec les enfants, à rire aux éclats à une taquinerie d'Esme ou à exprimer ses doutes et ses peurs. Pour lui, il était important que les enfants acceptent leurs sentiments, qu'ils comprennent que la sensibilité n'était pas une faiblesse mais la plus belle preuve de courage. Accepter tout les sentiments, les laisser s'exprimer, en faire des appuies plutôt que des obstacles. Leçon qui lui semblait bien futile aujourd'hui.

« Tu es bien plus maline que moi. » Sourit-il, persuadé de ses paroles mais conscient qu'elle ne le croirait pas. Il l'avait pourtant toujours admiré, femme forte et courageuse, caractère de feu dans des gants de velours... Si elle savait comme elle lui avait manqué ! « Je suis conscient que je ne mérite pas ton pardon, pas plus que celui des enfants. Nous aurions dû en parler j'ai... J'ai eu tellement peur qu'il soit déjà trop tard je... Je n'ai pas réfléchi. »

Admit-il, son regard empli de honte à nouveau perdu dans sa tasse. Il n'avait pas réfléchi en effet, agissant en seulement quelques minutes pour mettre en place ce plan prêt depuis des années. Ne pas prendre le risque de le laisser gagner, ne pas lui laisser le temps d'agir maintenant qu'ils les avaient trouvé. Attendre ne serait-ce qu'une nuit aurait été suicidaire mais discuter de cette possibilité plus concrètement aurait sûrement aidé un peu. Il aurait dû lui dire quand il avait acheté la maison quelques années plus tôt. Il aurait dû lui confier les papiers des comptes dès qu'ils avaient été ouvert... Juste pour qu'elle sache, qu'elle s'attende à ce jour... Il avait merdé, obligeant Esme à merder elle aussi, il était la source de tout et n'en avait jamais douté. Ce qui explique sûrement pourquoi la suite le surprit bien plus que de raison, son coeur s'embrasant instantanément à cet aveux inattendu.

Incrédule, l'Indien manqua presque d'avaler de travers avant de relever les yeux vers sa femme. Elle l'aimait encore ? Malgré toute cette colère et malgré tout ces années ? La tasse faillit lui échapper alors qu'il la reposait nerveusement, le regard de nouveau fuyant et laissant un étrange silence s'installer dans la pièce. Il voulait la rejoindre sur le canapé, la prendre dans ses bras et lui dire qu'il l'aimait aussi, qu'il ne partirait plus jamais car il n'était rien sans eux, qu'il était désolé et qu'il ferait tout ce qui était en son pouvoir pour arranger les choses... Seulement son coeur lui faisait mal et brûlait sa gorge au point de lui ôter ses mots. Sans compter qu'elle avait aussi dit ne pas le pardonner, lui interdisant donc un trop grand élan de passion... Ou peut-être pas ?

Incapable de dire combien de secondes ce moment dura, il finit par se lever pour s'agenouiller devant elle, attrapant ses mains avec tendresse et osant enfin chercher son regard. La voix d'Esme c'était brisée et, avec elle, la mince barrière qui retenait ses larmes. Des larmes de joies et d'espoir, d'émotions trop violentes, de toute ces années à être contenues pour beaucoup trop de raisons. Il n'en revenait pas, si bien qu'il eu l'impression de la toucher pour la première fois, sa peau frissonnant à ce contact qui semblait si intense. De tous les scénarios il n'avait jamais oser envisager celui-ci, préférant s'attendre au pire, à la haine, à l'impossibilité de pardon... C'était trop beau pour être vrai, il ne la méritait pas, il ne méritait rien.

« Cariña... » Commença-t-il, le surnom étant toujours naturel malgré le temps passé. Mais il l'avait si souvent murmuré en rêve... « Vous êtes les seuls à pouvoir me faire partir aujourd'hui, plus rien ne pourras me séparer de vous à part votre volonté de ne plus me voir. » Avoua-t-il, sentant une ligne d'eau salée couler doucement le long de ses joues. Son espagnol n'avait jamais été parfait mais il n'en avait rien perdu... « Je n'ai jamais cessé de t'aimer Cariña, il n'y a jamais eu que toi. » Continua-t-il, n'osant pas bouger pour autant, gardant cette distance respectueuse pour la laisser choisir. Il tenait fort ses mains pourtant, comme une preuve de la force de son amour. On ne se mari qu'une seule fois en Inde, c'est ce qu'il lui avait toujours dit... « Et j'attendrai dix ans de plus si telle est ta décision. »

Il était prêt à rester dans l'ombre, même pour la nuit des temps à condition de pouvoir veiller sur eux et de pouvoir être là s'ils avaient besoin. L'homme n'espérait pas d'être pardonné ou de reprendre où ils s'étaient arrêté mais il était prêt à tout pour le mériter. Mériter cet amour inespéré, l'admiration de ses enfants, une seconde chance. Et si ça n'arrivait pas ? Tant pis, tant qu'ils étaient dans les parages, tant qu'il pouvait s'assurer de leur bonne santé et leur bonheur. Mais s'ils voulaient qu'il parte ? Alors il obéirait, conscient de ne pas pouvoir exiger quoi que ce soit... Conscient aussi qu'il n'y survivrait pas mais tant pis, s'ils ne voulaient pas de lui il ne voulait pas de sa vie, elle ne valait rien sans eux.

Était-ce réellement possible de limiter la casse? De rattraper les dégâts qui avaient déjà causé autant de torts ? C'était une bonne question au fond. Les enfants leur pardonneraient-ils leurs erreurs si nombreuses ? Esme aimait croire que oui. Peut-être que cela prendrait du temps, oui… Mais si Jayan restait, ils auraient le reste de leur vie pour faire en sorte que cela soit le cas. Pour qu'ils puissent assurer l'avenir de ces enfants qu'ils avaient bousillés. Mais si elle, la mexicaine rancunière, pouvait vouloir laisser cette chance à son mari, pourquoi les enfants seraient-ils contraire? Oui, cela prendrait peut-être beaucoup de temps mais la finalité n'était pas impossible. Elle avait entière confiance dans le cœur pur et rempli d'amour de leurs quatre bébés devenus adultes.

Alors, elle le rassura, certaine que le deuxième garçon serait beaucoup plus tolérant que son cadet ou sa sœur. Du moins, envers lui. Elle, elle sentait déjà un sale quart d'heure arriver. Après tout, elle était celle qui avait caché des informations, qui avait caché le retour de ce père tant aimé par eux. L'avocate y penserait plus tard, préférant s'occuper du moment présent et ayant déjà bien assez souffert ce soir pour en rajouter une couche. Vidée, elle n'avait plus la force de penser à ça. Non, elle voulait juste terminer cette discussion et mettre ça derrière le temps d'une nuit  de répit dans cette guerre qui ne faisait que commencer. Un doux sourire rassurant se dessina sur ses lèvres alors que Jayan lui avouait ne plus se sentir capable de subir encore de la haine. Elle le comprenait, plus qu'il ne le pensait. « Je suis certaine que ça ira…Et puis, tu n'es plus seul maintenant. »

Oui, elle était là, maintenant. La vrai elle et non l'épave ivre remplie de colère qu'elle avait été… Si cela venait à se passer mal, elle n'hésiterait pas à le soutenir solidement. Pour le bien de tous. Aussi, elle secoua doucement la tête, pas forcément convaincue d'être plus maligne que lui et se lança enfin à l'eau. L'entendre avouer qu'il avait agit sous la peur lui réchauffa légèrement le cœur. Qui n'avait jamais fauté sous la pression? Certes, ce n'était pas une excuse mais cela apaisait un peu la latina. Oui, il aurait dû lui en parler, mais il l'avouait, là, devant elle. Son regard triste et fuyant lui fit comprendre qu'il était sincère dans ses paroles.

Le pardonner était peut-être un très grand mot, mais elle voulait à nouveau de lui dans sa vie. Cette soirée lui avait bien fait comprendre que malgré les années, malgré les fautes commises, malgré les doutes et les peines, le couple n'était pas à leur fin. Car l'amour était toujours présent. Ils avaient encore cette complicité qui  était maladroite, cherchant comment reprendre sa place dans le cœur des deux amants brisés. Alors, elle lui avoua. Esmé lui avoua son amour toujours présent, ses peurs, ses doutes. Elle lui ouvrait littéralement son cœur. En réponse? Un silence pesant.

Super… Peut-être qu'elle aurait dû se taire? Les yeux baissés, elle comptait les secondes s'écouler. Peut-être devait-elle s'habiller et appeler un taxi finalement… Peut-être que… Interrompue de ses pensées par les mains chaudes de son mari, elle releva les yeux sur celui-ci. Les larmes coulaient sur son visage mais son regard était si doux… Ses mains serraient les siennes, sa voix remplie d'émotion eut raison d'elle. A son tour, elle pleurait doucement, écoutant les paroles qui berçait son cœur. A ce moment-là, plus rien d'autre ne comptait. Juste lui et elle. Juste eux. "Juste nous".

Elle mit un moment avant de lui sourire tendrement… Cherchant ses mots ou plutôt, cherchant comment formuler correctement ses phrases dans sa langue à lui. Si lui avait fait l'effort de faire cette déclaration en espagnol, peut-être qu'elle pouvait tenter de lui répondre en Hindi, non? Par chance, elle avait souvent pratiqué la langue avec ses enfants, ayant toujours refusé qu'ils perdent cette partie d'eux. Et puis c'était pratique de changer de langue devant les gens qui ne comprenait pas un traître mot. « Tu es un crétin, Jai Bennet, tu me fais pleurer.» Elle récupéra ses mains délicatement, essuyant ses propres larmes avant de les poser sur le visage de son mari tendrement, effaçant ses larmes à son tour du bout des doigts. « Je n'ai jamais voulu que tu partes… Alors arrête de m'écouter quand je dis des choses sous la colère… Et pareil avec les enfants… »

Douce caresse sur le visage de Jayan, elle lui sourit à nouveau le cœur allégé, un peu amusée, elle enchaînait tout en reprenant l'anglais, de peur de massacrer la langue du pauvre homme. « Et j'espère bien qu'il n'y a eu personne d'autre… Je suis un peu du genre jalouse. » Bon, elle mentait… Esme n'était pas qu'un peu jalouse, elle l'était totalement. Elle n'avait jamais hésité a confronter chaque femme tournant trop près de son mari. Aussi, savoir qu'il n'y avait eu personne d'autre était un soulagement… Après tout, elle ne savait pas elle-même ce qu'elle aurait pu faire à cette autre pauvre femme… Délicatement, elle le fit relever son visage et son front se posa contre le sien tendrement. « Et arrête d'être un crétin et embrasse moi, mon amour. » Déclara-t-elle en Hindi à nouveau…

Ambiance scandale

« Tu n'es plus seul maintenant. » Simple petits mots qui pourtant donnèrent à l'homme la sensation de pouvoir gravir des montagnes. Esme avait toujours été sa force, son phare dans l'obscurité, la seule à pouvoir lui redonner confiance et à pouvoir effacer ses peurs. C'est d'ailleurs pour cela qu'il aurait dû lui parler de ce message, qu'il aurait dû la consulter pour la marche à suivre... Elle aurait sûrement calmer ses angoisses en leur permettant de trouver ensemble un plan sûr et efficace. Seulement le temps lui avait manqué et la panique avait eu raison de lui, le poussant dans ses retranchements. Agir seul n'avait jamais été bon pour lui, comment avait-il pu espérer une seule seconde qu'il en aille autrement cette fois ?

Hors le passé était derrière eux à présent et, comme il l'avait noté, il leur était impossible de le corriger réellement. Leurs erreurs étaient gravées dans le marbre et les dégâts étaient bien réel, ne leur laissant pour seul espoir que de rendre la suite moins douloureuse. Prendre les bonnes décisions, agir ensemble pour le bien des enfants, prendre le temps nécessaire pour ne plus reproduire les mêmes erreurs. Plus facile à dire qu'à faire sans doute mais elle était à ses côtés à présent et ce simple soutien valait tout l'or du monde. Ensemble, ils pouvaient tout surmonter, Jay en avait l'intime conviction. Quelle chance il avait de pouvoir compter sur elle malgré tout, qu'elle accepte de rester à ses côtés même sans réellement le pardonner. Il n'en demandait pas plus, trop heureux même d'avoir cela.

Alors les aveux de la belle Mexicaine le laissèrent effectivement sans voix. Leur amour était donc indemne malgré les années et les épreuves ? Ses sentiments avaient eu aussi survécu dans la tourmente ? Jayan n'avait jamais douté de son coeur mais il avait redouté mille fois que celui de sa belle s'offre à un autre homme plus méritant que lui. N'aurait-ce pas été normal qu'elle s'abandonne dans d'autre bras ? Ne méritait-elle pas d'être aimée dignement par un homme capable d'être là pour elle ? Bien que convaincu que personne ne pourrait jamais l'aimer avec autant d'ardeur que lui, Jay avait douloureusement accepté cette éventualité et il aurait été prêt à la supporter si c'était pour la voir heureuse. Leur bonheur était tout ce qui comptait pour lui, fataliste au point de pouvoir vivre sans le sien...

« L'avais-tu oublié ? »

Sourit-il, frissonnant au contact de sa joue, se laissant docilement faire et laissant libre cours aux larmes qui perlaient discrètement sur son visage. L'entendre parler Hindi lui faisait toujours chaud au coeur et ses gestes ? Ses gestes le rendait plus heureux qu'il n'aurait jamais pensé l'être après tout cela. Pas grand-chose une fois encore mais tellement à ses yeux ! De petits riens qui faisaient tout, renforçant sa volonté de se battre et sa confiance face à leur avenir qui devenait de plus en plus lumineux à mesure que la belle lui ouvrait son coeur. Sentait-elle à quel point il était devenu brulant ? Sentait-elle son corps trembler de bonheur sous ses doigts ?  

« Je vais surtout essayer de ne plus te mettre en colère. » Promit-il, toujours en espagnol, attrapant tendrement la main qu'elle avait posé sur sa joue pour y déposer un baiser. « Je n'en ai trouvé aucune qui aurait pu te survivre. » La taquina-t-il, connaissant sa tendance jalouse et n'étant guère mieux même s'il avait toujours été beaucoup plus subtile qu'elle dans le domaine. « Merci... »

Murmura-t-il ensuite, son regard plongé dans celui de la Mexicaine, leur front tendrement collés. Il avait rêvé de ce moment pendant dix ans incapable pourtant d'espérer réellement y avoir droit un jour. Plus les années s'étaient écoulées, plus il avait commencé à perdre espoir concernant ces possibles retrouvailles, imaginant déjà qu'elle aurait trouvé un autre mari et un père pour les enfants. Ça aurait été légitime après tout, amplement mérité aussi... Des années de calvaire entre rêve et cauchemar, entre espoir et déception. Quand il l'avait revu il y a deux ans, son coeur s'était brisé pour trop de raisons : la voir si mal, savoir qu'il avait détruit la famille... Mais, au fond, il avait eu espoir car on ne peut haïr à ce point sans avoir aimé et parce qu'elle était encore célibataire. Monstre d'égoïsme oui mais il n'était plus à une monstruosité près.

Monstre qui pourtant fit preuve d'une douceur absolue alors qu'il s'autorisait enfin à capturer ses lèvres. Geste délicat, frôlement d'abord, comme pour s'assurer qu'il savait encore comment faire, comme pour demander son accord à Esme une fois encore. Le goût n'avait pas changé, pas plus que la chaleur qui émanait d'elle. Une main posée sur la joue chaude de son épouse, les yeux clos, Jay avait l'impression de rêver, redoutant de devoir ouvrir les yeux sur son absence mais incapable de ne pas profiter de ce moment comme si sa propre vie en dépendait. Les larmes perlaient toujours discrètement sur ses joues, larmes de bonheur cette fois, de ce regain d'espoir trop violent pour qu'il ne parvienne à le retenir.

Tout comme il ne put retenir un élan de passion en sentant la chaleur des lèvres de la belle irradier dans son corps. Quelques contacts délicats, baisers timides auxquels elle ne s'était pas opposée... Avait-il pourtant le droit d'exiger plus ? N'aurait-il pas dû se contenter de cela ? Il resta sobre néanmoins, se redressant simplement un peu plus et glissant ses doigts dans les cheveux d'Esme, faisant de leur baiser quelque chose d'un peu moins timide et de plus passionné. Heureusement quand même, il revint bien vite à la raison, reposant son front contre celui de son épouse, le souffle court et le coeur battant fort dans ses oreilles.  

« Désolé je... » Souffla-t-il, les yeux toujours clos et le corps tremblant. « Tu m'avais trop manqué... »

Admit-il, rouvrant les yeux pour lui lancer un regard plein d'excuses malgré un sourire en coin malicieux. Leur lien était toujours fort malgré tout, comme s'ils ne s'étaient jamais réellement quitté bien que les cicatrices de leurs erreurs brûlent encore. Il y avait de l'espoir, pour eux du moins. Un espoir de reprendre une vie normale, se redonner une chance. Du pouce, il caressa tendrement la joue de la jeune femme, ne pouvant s'empêcher de la regarder comme si elle était un cadeau de Noël inespéré. Elle était merveilleuse, autant qu'à l'époque voire même plus encore. Comme il pouvait l'aimer !

« Nous ne sommes pas réellement en état de prendre des décisions... » Sourit-il ensuite, se redressant un peu sans pour autant ôter sa main. « Je ne voudrais pas que tu regrettes quoi que ce soit et je ne mérite pas de réclamer davantage si tôt. »

Admit-il, le coeur serré à l'idée de devoir s'éloigner mais conscient que c'était sûrement le plus sage. Il ne voulait pas profiter de l'occasion, de leur faiblesse, de leur fatigue. Y aller doucement, réfléchir de façon posée, ne pas précipiter les choses pour ne plus les gâcher. En réalité ? En réalité son corps était brûlant et il aurait bien volontiers oublié toute prudence pour se lancer plus physiquement dans le présent mais il n'en avait pas le droit, pas aussi facilement et pas alors qu'elle était dans cet état. C'était sûrement les nerfs qui parlaient, la fatigue aussi... Il avait fait assez de mal comme ça, mieux valait s'abstenir un peu plus pour être sûr... N'est ce pas ?

Oublié… Avait-elle oublié? Bien sûr que non. Jamais elle n'avait oublié quoique ce soit, et ce, malgré plusieurs tentatives. Elle avait scellé les souvenirs au fond de sa mémoire, bien au fond, pendant des années. Contrôlant leur assauts par des verres… non. Par des bouteilles d'alcool. Elle n'avait jamais réussi à faire des nuits complètes sans être complètement ivre. L'alcool lui avait fait faire un tas de cauchemar, laissant les souvenirs assaillir ses rêves, mais que les mauvais… le départ, la colère, la chute… Alors le lendemain, Esméralda se réveillait et re-buvait pour oublier la nuit passée. Cercle infernal. Cirque intolérable que ses enfants avaient subi jour après jour pendant dix ans…

Non, elle n'avait pas oublié ce visage, cette douceur, cette voix. Non, elle n'avait pas oublié les sentiments, la complicité. Mais pouvait-on réellement oublier quoique ce soit de son âme sœur? De cette personne qui vous complétait ? De la personne pour qui, vous auriez tout abandonné? Non. Non, elle n'avait rien oublié et à ce moment précis, elle bénissait les dieux de ne pas lui avoir ôté tous ces souvenirs alors que deux ans plutôt, elle les avait maudits pour cette même raison.  

Ses doigts essuyaient les larmes de son mari avec tendresse alors qu'elle souriait doucement. Effectivement, ne plus l'énerver était une solution efficace, mais impossible. Légèrement amusée, elle secoua la tête. « On sait que c'est impossible ça… Je reste la loca latina malgré tout… je trouverais toujours de quoi m'énerver. » Bien qu'elle le taquinait, elle était sérieuse. Elle pouvait s'énerver pour un objet pas à sa place ou pour un quiproquo. La mexicaine avait beau avoir le mari le plus doux du monde, son sang de femme chiante faisait que c'était plus fort qu'elle… De plus, les réconciliations avaient toujours été agréables et elle ne pensait pas qu'à celle sur l'oreiller. Non, pensait au simple fait de s'enlacer debout, dans la cuisine. Les doux baisers ou encore les petites attentions comme ces fameux biscuits qu'elle aimait tant. Oui, Jayan était un mari parfait qui avait fait une erreur… Et qui ne faisait jamais d'erreur au fond?

Elle ouvrit la bouche légèrement, l'air choquée de par la phrase de l'Hindou. Comment ça, il n'avait pas "trouvé?". Même si les deux plaisantaient, elle ne pu s'empêcher de commenter spontanément. « Oui bah je vais te faire passer l'envie d'en chercher une… Vous n'avez qu'une seule femme Monsieur Thakur et elle est devant vous. » Sourire tendre, elle serra doucement sa main alors que leur front se collait ensemble.

La déferlante d'émotions diverses fut violente alors qu'enfin leurs lèvres se retrouvaient pour la première fois depuis dix ans. Depuis leur dernier baiser le matin de son départ. Son cœur était à la fois en feu et apaisé. Enfin… Enfin cette sensation qui lui avait tant manqué revenait en elle comme une douce amie partie depuis trop longtemps. Les baisers étaient timides, d'une douceur sans nom.

A son tour, elle glissa sa main dans le cou de l'ancien policier, la deuxième trouvant place sur son épaule. Elle avait ce besoin de le toucher, de sentir qu'il était bien là alors que le baiser timide devenait passionné. Il la chamboulait comme jamais quelqu'un n'avait jamais réussi à le faire. C'était comme-ci ces dix ans n'avait rien changé. Heureusement pour eux, 'il avait bien plus de contrôle qu'elle. Elle se demandait comment cela était-il possible. Son corps entier était embrasé, criant de continuer, de ne plus quitter ce qui lui avait manqué depuis des années. Son cœur demandant de reprendre ce baiser passionné, endiablé alors que sa raison concédait le point à Jay. « Arrête de t'excuser… Je t'ai demandé de le faire » Demander, ordonner… c'était pareil au fond… non?

Ses yeux se fermaient un instant, profitant de la caresse avant d'à nouveau plonger le regard dans le sien. C'était si doux, si apaisant… Elle se sentait à nouveau complète, comme si on venait de lui permettre de respirer de l'air frais à nouveau. Doucement, elle recula sa tête pour approuver ses dires. « Je ne sais pas comment tu fais pour être aussi… sage? Dans un moment pareil. » . L'avocate déposa un baiser sur son front avant de le regarder plus sérieusement. « Mais tu as raison… Tu ne le mérites pas…  » Elle soupira avant d'afficher un léger sourire taquin qu'elle peinait à dissimuler. « Avant ça, tu vas devoir faire les choses biens… tu sais.. rencard, dîner… M'inviter à aller danser… Comme avant notre mariage! Et je te préviens, je suis plus exigeante!»

Bien évidemment, c'était faux, elle n'était pas plus exigeante qu'à l'époque. C'était lui, tout ce qu'il pourrait faire allait être parfait. Elle n'en doutait même pas. De plus, l'idée de refaire tout ça lui tenait réellement à coeur… Même si leur complicité et leur amour étaient intactes, ils avaient besoin de s'apprivoiser à nouveau. De réapprendre à vivre ensemble, à connaître leur nouveau goût, leur nouvelle façon de faire, car en dix ans, des choses avaient forcément changés, non?

A nouveau, elle frôla ses lèvres tendrement, ne pouvant s'en empêcher car il lui avait terriblement manqué. Baiser rapide, voler presque alors qu'elle s'écartait à nouveau pour le regarder. Redécouvrant chaque centimètre de son visage. Apprenant par coeur les léger changement sur celui-ci. « Est-ce que… Tu veux bien dormir avec moi ce soir? » Elle comprendrait qu'il refuse, mais au fond, elle espérait qu'il accepte. Avoir une vraie nuit dans ses bras, sans idée derrière la tête. Juste avoir sa présence, sentir ses bras autour d'elle. Oui, après dix ans, la mexicaine était toujours l'esclave de ses sentiments envers l'ex mafieux.

Ambiance scandale

C'est vrai qu'Esme avait toujours été le volcan de la famille même si Jay savait aussi se montrer impulsif quand il s'agissait de défendre les siens. De l'extérieur, ils pouvaient même sembler un peu clichés : lui l'hindouiste pacifiste toujours très calme et elle la tornade latine au caractère de feu. Le Yin et le Yang, complémentaires tout en étant parfaitement à l'opposé. C'est peut-être pour cela qu'ils fonctionnaient si bien jadis ? Capable de se calmer mutuellement et d'user de leur passion pour attiser la flamme de leur amour ? Car c'était une relation passionnelle, même après les enfants, deux aimants inlassablement attirés l'un vers l'autre et parfaitement incapable de taire leur amour.

« C'est vrai mais ça ne me coûte rien d'essayer. »

Sourit-il, sa peau le picotant là où les doigts de la belle le touchait. Rien n'avait changé, les étincelles, la chaleur enivrante, la douceur... Soudain, il se sentait comme dans une bulle hors du temps, douloureusement heureux bien que conscient qu'il ne faudrait qu'une pique pour tout faire exploser. Car il n'était pas fou : il savait que ce n'était que temporaire et qu'il ne pourrait pas la regagner si facilement. Tant pis, il était prêt à tout les efforts pour mériter sa place. Après tout, il n'était plus à quelques mois ou quelques années près !

« Alors je suis le plus heureux des hommes. »

Sourit-il, son coeur ayant manqué un bond alors qu'elle affirmait spontanément être sa femme. C'était vrai bien sûr mais le fait de l'entendre le dire était inespéré et c'était aussi une source de bonheur absolue pour lui qui n'avait souhaité que cela pendant dix ans. Il avait eu tellement peur qu'elle ne se considère plus comme tel, qu'elle l'oublie ou le remplace, qu'elle ne souhaite plus l'avoir comme époux dès son retour au pays... Mais non, il lui restait un espoir et cette spontanéité en était une preuve merveilleuse. Il s'abstient néanmoins d'en dire plus, se contentant d'avouer sans détour son bonheur.

Et comment le montrer plus concrètement qu'en s'abandonnant à un baiser ? Baiser qu'il tenta de garder sage au départ, simple réponse à un ordre donné. Sage car conscient qu'en demander plus n'était pas raisonnable... Hors la main de la belle se glissa dans son cou et son coeur prit feu, lui faisant brièvement oublier toute prudence. Esme ne sembla pas s'y opposer, répondant même avec fougue à cet écart. Son coeur explosa alors que la température de son corps frisé l'indécence mais il parvint par miracle à arrêter l'incendie avant qu'elle ne deviennent incontrôlable. Il avait déjà fait assez d'erreur pour ne pas en plus abuser de son état...

« Tu n'as demandé qu'un baiser. »

Nota-t-il avec un sourire amusé, le souffle encore légèrement saccadé par cet élan trop violent. Sage était en effet le mot exact et il ne pu qu'hausser doucement les épaules, lui-même parfaitement incapable d'expliquer comment il avait pu s'arrêter en si bon chemin en sachant que l'envie n'était pas morte, brûlant presque douloureusement l'ensemble de son corps et de son être. Mais il voulait faire les choses correctement, la culpabilité sûrement encore trop grande pour lui permettre de se laisser aller. Légitime. Elle le nota d'ailleurs à son tour, sur un ton léger bien que ce soit terriblement vrai. Là encore, il ne put que faire un oui de la tête accompagné d'une petite moue déçue comme un enfant conscient de sa bêtise.

« Oh là, je ne suis pas sûr de savoir encore comment on fait tout ça ! » S'amusa-t-il, faussement choqué par sa proposition. Il ne comptait néanmoins pas faire moins, romantique qu'il était. « Peut-être que je pourrais demander aux garçons quelques conseils ? Surtout que les méthodes ont dû changer depuis ! » Continua-t-il toujours sur le ton de la plaisanterie avant de se laisser surprendre par un baiser voler qui manqua de relancer l'incendie. Heureusement qu'il fut bref ! Bien que la requête qui suivit n'était pas faire pour aider... « Et bien... » Dit-il, faussement sérieux. « Les méthodes ont réellement drôlement changé ! » Reprit-il avec un petit sourire taquin, espérant détendre un peu l'atmosphère. « Je serai sage pour deux, ne t'en fais pas. » Promit-il ensuite, se redressant avant de lui tendre la main pour l'aider à se relever à son tour. « Nous devrions peut-être y aller avant de dire plus de bêtises. »

Sourit-il à nouveau, conscient que leur état de fatigue n'allait pas les aider à résister à quoi que ce soit... Ils devaient se reposer, profiter de cette nuit pour commencer à se retrouver calmement. Dormir auprès d'elle n'allait pas être facile après dix ans d'abstinence mais il était prêt à ce sacrifice qui n'était finalement que moindre par rapport à ce qu'il était prêt à subir pour elle. C'était déjà tellement merveilleux !

Simple sourire tendre en réponse. Elle savait qu'elle avait de la chance et que ce qu'il disait, il s'appliquait à le faire du mieux qu'il le pouvait. C'était une des qualités qui l'avait charmé lors de leurs premiers rendez-vous. Esme se souvenait de leur débuts, de cette façon si naturelle qu'ils avaient d'intéragir ensemble. Comme des amis d'enfance qui se connaissaient parfaitement. Et des années plus tard, rien n'avait changé si ce n'était cette retenue entre eux. Comme si trop y croire pouvait tout faire exploser. Comme si ce petit moment n'était qu'une hallucination précieuse. Mais non, tout était réel.

Il n'avait fallu qu'un baiser pour rendre tout ça tangible. Que ce petit moment pour dissiper tout voile de doute, de peur au yeux de la mexicaine. Oui, son mari était revenu et hormis les quelques rides et cette barbe, qui lui allait parfaitement bien au passage, rien n'avait changé. Sa douceur, sa tendresse mais aussi sa passion.  Sa façon de tout dire par un simple regard, sans mot. Elle qui avait été gênée de son corps quelques instant plutot, se sentait à présent plus femme que jamais. Juste car il la regardait. Jayan voyait les gens, réellement. Il ne se contentait pas de regarder, le vague à l'âme, non. Il voyait.

« Je t'ai demandé de m'embrasser… Je n'ai pas donné d'autre directive très cher. » Sourit-elle amusée avant de reprendre ses quelques caresses. Elle était bien, elle se sentait bien. Dans cette petite bulle n'appartenant qu'à eux. Accalmie pendant une tempête qui les dépassait tous deux.

Alors, elle se laissa aller à quelques taquineries. Profitant sans doute un peu de l'occasion pour lui glisser l'idée de se revoir beaucoup plus souvent maintenant par le biais de rencard. Après tout, n'avaient-ils pas le droit de se retrouver après autant d'années? Ré-apprendre à se connaître, même si cela semblait inutile en réalité. Mais pour le beau jeu, se reprendre pour un jeune couple.

« Je suis certaine que tu sais très bien comment faire. C'est comme le vélo, ça ne s'oublie pas. » Elle ne pouvait pas s'empêcher de grimacer à la suite cependant. « Diable, quelle idée épouvantable! Demander aux garçons? Tu sais que les trois sont sur Tinder? » Son regard était amusé. Elle se rappelait encore que Julian avait d'ailleurs voulu l'inscrire là-dedans pour l'ennuyer. Les jeunes et leurs applications du diable… Elle ne comprenait pas trop comment ils pouvaient arriver à se confier ou à parler de certaines choses sans même voir la personne. Même pour "tirer un coup" . Non, définitivement, elle ne comprenait pas, mais si cela leur convenait à eux, et bien qu'ils en profitent.

Nouveau rire doux alors que son mari plaisantait encore sur les méthodes actuelles. Certes, lui demander des rencards pour ensuite proposer de passer la nuit ensemble était… Enfin vous voyez. « Est-ce que tu es en train de t'en plaindre? Je peux aussi aller dans une des autres chambres si tu préfères? » Son regard était tout aussi taquin que sa voix était légère. Il était hors de question qu'elle dorme dans une des autres chambres, pas ce soir. Son corps et son cœur ne le permettraientt pas, réclamant sa présence, criant même cette envie dans son cerveau.

La mère de famille attrapa sa main avant de se relever à son tour, poussant délicatement le plaid qui avait servi à cacher son corps vieillissant. « Tu n'as pas besoin de l'être pour nous deux. Et j'adore quand tu dis des bêtises. » Un petit clin d'œil plein de sous-entendu, un sourire en coin amusé, un brin séductrice. Elle ne le faisait pas exprès, c'était juste… naturelle? Elle avait toujours été comme ça à ses côtés, incapable de faire taire cette passion dévorante. Attirée comme un aimant. Comme un ours avec son pot de miel.

Bien décidée à ne rien forcer pour autant, elle comptait rester sage même si celà allait être bien plus difficile qu'elle ne le pensait. Car pouvait-on réellement faire taire un feu persistant? Oui, ils pourraient le maîtriser quelque temps, mais jamais le faire étouffer. Celui-ci bien plus puissant que ce qu'ils pourraient faire. Après tout, cette flamme avait bien survécu à dix années de séparation.

La mexicaine le suivait sans lâcher sa main, le tenant tendrement mais fermement. Refusant de rompre le contact qui apaisait tellement ses tourments internes. Une fois dans la dîtes pièce, elle lui sourit doucement. « Je confirme ce que je disais… Tu as toujours eu beaucoup de goût. » . Bon, c'était la deuxième fois qu'elle entrait dans la pièce mais elle ne pouvait que constater encore une fois la décoration sobre et zen de la pièce. C'était si chaleureux, si douillet. Oui, elle adorait déjà cette chambre en réalité, se voyant sans problème y vivre dans un futur… Lointain ou proche.

Ambiance scandale

Dix ans. Dix longues années qui n'avaient pourtant pas suffit à apaiser le feu ardent qui brûlait entre eux. La passion n'était pas morte et ce besoin presque viscéral de rendre le baiser plus gourmand en était une preuve irréfutable. Il n'avait jamais su retenir ses sentiments pour elle, sa peau agissant sur lui comme le déclencheur d'une bombe, aussi bien pour le calmer instantanément que pour le faire s'enflammer de désir. Les tendre caresses sur sa joue le faisait frissonner et il se sentait encore tremblant de ce baiser qu'il avait par miracle su arrêter avant de franchir la limite. Un miracle oui car elle lui avait atrocement manqué et car il aurait tout donner pour visiter son corps comme il l'avait si souvent fait jadis... Privilège qu'il ne méritait plus, pas encore du moins et il ne tenait vraiment pas à la mettre mal à l'aise ou à lui faire regretter quoi que ce soit. Sa résistance à la tentation le surpris lui-même mais il fit mine de rien, incapable malgré tout de ne pas montrer cette espièglerie qu'il avait toujours eu en sa présence. Et elle la lui rendait bien.

« Hors je suis à tes ordres... »

Répondit-il avec un petit signe de tête, fausse révérence à un fait pourtant bien réel : il était à ses ordres, esclave de ses désirs et de ses volontés. Elle voulait un baiser ? Il se devait de le lui offrir, tout comme il se devait de lui accorder ces rencards de leur jeunesse afin de la reconquérir dignement. Dix ans d'absence, n'être qu'un pantin entre ses mains était un moindre mal et c'était amplement mérité. Sans compter que ce n'était pas un grand sacrifice pour lui qui n'avait rêvé que de ça pendant tout ce temps...

« J'espère que tu as raison. » Sourit-il, espérant réellement être à la hauteur de ses attentes afin de pouvoir regagner son coeur. Car elle n'avait jamais perdu le sien et elle ne le perdra jamais... « Tinder ? Mince, ces enfants ont vraiment besoin de leur père... »

Soupira-t-il en secouant la tête. Il l'avait dit d'un ton léger mais les mots lui écorchèrent douloureusement le coeur en passant... Plaisanterie qui ne faisait que mettre en valeur un fait bien trop réel lui aussi : son absence avait gâcher leur vie. Il n'avait pas eu l'occasion de leur apprendre ce qu'était la séduction, il n'avait jamais eu la fameuse conversation délicate avec eux, il n'avait jamais été là pour consoler leur peine de coeur... Et il était trop tard maintenant, ils étaient grands, les premières dois étaient sûrement loin derrière eux et ils avaient surtout apprit à faire sans lui... Quelle place pourrait-il avoir à présent ? Il ne servait plus à rien...

« Désolé... »

Ne put-il s'empêcher de dire à demi-mot, secouant doucement la tête avant de passer la main sur son visage dans l'espoir de reprendre ses esprits. C'était fréquent depuis son départ qu'il se fasse mal de la sorte et c'était encore pire depuis deux ans, alors qu'il ruminait constamment ses erreurs et tout ce qu'il aurait pu faire autrement... Masochiste n'ayant de cesse de se flageller moralement dans l'espoir d'obtenir son propre pardon, pathétique. Ne pouvait-il pas simplement profiter de cette chance inouïe d'être avec elle ce soir ? Ne pas relancer la machine pour une fois ? Heureusement, Esme n'en fut pas outrée, demandant même à rester pour la nuit ce qui était d'autant plus inespéré... Il ne la méritait définitivement pas.

« Je ne pourrais pas dormir en te sachant dans une autre pièce. »

Avoua-t-il avec une sincérité profonde, souffrant déjà atrocement d'être dans la même ville sans pouvoir la voir plus souvent... Être près tout en restant loin, là sans l'être, savoir qu'il pourrait la voir sans la toucher, sentir son parfum sans sentir sa présence... Il ne pourrait pas le supporter, plus maintenant, et encore moins en étant sous le même toit. Quoi qu'il n'allait sûrement pas dormir non plus en étant avec elle, trop émerveillé par sa présence et incapable de ne pas simplement l'admirer toute la nuit comme il l'avait souvent fait pendant ses insomnies. Regarder son doux visage sous les rayons de la lune, admirer ce petit sourire calme qui s'affichait sur ses lèvres quand elle dormait profondément, se laisser bercer par son souffle... Combien de fois avait-il imaginé être à ses côtés ? C'était réellement trop beau pour être vrai.

« Je sais que je peux te faire confiance. »

Sourit-il, son regard pétillant néanmoins de malice. Combien de fois s'étaient-ils promis d'être sages à l'époque ? Ces fameux soirs où "ce n'est pas raisonnable, on se lève tôt demain" ou même ceux où "il ne faudrait pas réveiller les enfants."... Et où la promesse était partie aux oubliettes à peine la lumière éteinte ou presque. Mais ils ne s'étaient jamais fait prendre, ou du moins, pas qu'il le sache... Autre miracle de toute évidence ! Mais les choses étaient différentes aujourd'hui, il y avait cette retenue entre eux, ces doutes aussi... Ils avaient beaucoup changés, il fallait qu'ils se redécouvre, qu'ils prennent leur temps... Pour leur bien il était prêt à ne pas écouter son corps, remisant ses bas instincts dans un coin aussi longtemps que nécessaire. Elle méritait cet effort et même plus encore.

« Il me semblait pourtant que tu en étais la plus belle preuve. » Répondit-il avec un sourire tendre alors qu'ils avaient atteint la chambre. Même le trajet lui avait semblé irréel, leur main fermement enlacées... Si c'était un rêve, il ne voulait pas se réveiller, jamais. « Je vais me préparer, fais comme chez toi. »

Par chance, Jay n'avait jamais été du genre à dormir dénudé même s'il n'était pas particulièrement pudique. Il trouvait juste plus agréable de dormir habillé hors des draps que nu dessous même s'il lui était plus d'une fois arrivé d'avoir la flemme de retrouver son pyjamas dans les draps... Mais c'était une autre histoire et, ce soir, il ne pouvait pas se permettre de faire une exception. Il récupéra donc ce qui lui servait de pyjamas sous son oreiller avant de se diriger vers la salle de bain après une brève hésitation gênée. Là non plus, il n'avait pas pour habitude de faire le voyage, étant du genre à prendre sa douche le matin... Mais il ne pouvait pas non plus lui offrir ce spectacle sans doute bien moins attractif qu'il y a dix ans, et encore moins en ayant promis d'être sage.

Après une brève ablution qui l'aida à se rafraîchir un peu les idées, il ôta ses vêtements et les troqua pour un short noir et un t-shirt gris assez ample qui laissait tout de même apercevoir ses muscles. Malgré les années, ils étaient encore présents bien qu'un peu moins saillants. Il faut dire qu'il s'entretenait, plus pour évacuer la pression que par pure volonté mais c'était agréable et, au moins, il n'avait pas trop honte... Quoi qu'il avait toujours eu des jambes de grenouilles comparées à son torse massif... Allez comprendre ! Une fois 'prêt', il retourna donc dans la chambre, hésitant de nouveau quelques secondes avant de se glisser avec elle sous les draps. C'était étrange à quel point c'était naturel tout en étant gênant... Comme un adolescent qui partageait sa couche pour la première fois, inconscient des bons gestes à adopté, effrayé d'en faire trop ou de ne pas être à la hauteur... Il se sentait bête.

« Est-ce que je suis le seul à avoir l'impression d'avoir à nouveau quinze ans ? »

Plaisanta-t-il en lui lançant un sourire presque désolé. Il voulait la prendre dans ses bras, l'embrasser à nouveau, être plus naturel et moins stressé mais il n'y arrivait pas, craignant sans cesse le faux pas ou la perte de contrôle... Et pourtant il était le plus heureux des hommes, peinant encore à croire que tout cela était bien vrai.

La mexicaine savait que les paroles de l'homme n'étaient pas dîtes en l'air. Pratiquement chaque demande qu'elle avait pu formuler au cours de leur vie ensemble, il y avait répondu. Il avait été ce prince charmant que n'importe quelle femme aurait voulu avoir. Et c'était elle qu'il avait choisi, qu'il avait épousé. Femme chanceuse qui avait eut le plus beau des cadeaux à ses côtés: leurs enfants. Oui, avant son départ Esmé avait été une femme plus que comblé de bonheur. Certes ils avaient eu quelques galères, mais ensemble, tout semblait surmontable.

Maintenant qu'il était de retour, et si leurs efforts communs fonctionnaient, elle savait qu'il allait à nouveau surmonter le monde. Ils le devaient pour les enfants. Reprendre leur rôle de guide, de soutien que tous les deux avaient lamentablement échoué depuis dix ans. Malgré qu'ils soient tous les quatres adultes, ils avaient encore tant de choses à vivre après tout.

Même si les dires de Jayan lui serra le coeur, il avait raison: les enfants avaient besoin de lui et en avaient eu besoin bien avant. Si elle n'avait pas été aveuglé par la colère, peut-être que tout ça serait déjà derrière eux? Oui, sans aucun doute. Doucement, elle reprend ses caresses pour l'apaiser, voyant sans difficulté le mal être en lui. Elle le comprenait sans même en dire plus.

Aussi, avec un doux sourire, elle secoua la tête à ses excuses. « Ne sois pas désolé. ce n'est pas une situation facile… Mais oui, ils ont besoin de leur père. Déjà pour leur faire retirer cette satanée application. » Elle grimaça légèrement en y pensant, avant de lui sourire à nouveau, voulant simplement l'apaiser et le faire sourire. « Et parce que, malgré leur âge, ils ont toujours besoin d'un conseil sage. Et soyons honnête, tu l'es bien plus que moi! » déclara-t-elle, accompagnant ses paroles d'un clin d'œil.

Il est vrai qu'il était bien plus enclin qu'elle pour les conseils sages. Elle-même ayant du mal à se contrôler face à certaines situations, comme ce jour-là, dans le bureau du proviseur… Là où elle aurait dû montrer un calme à toute épreuve, pour que son fils comprenne de ne jamais sur-réagir, elle avait menacé le proviseur avec une agrafeuse. Oui, elle avait été le pire exemple en réalité. Ayant trop souvent laissé son côté sang-chaud prendre le dessus. S'énerver pour un rien, etc…

Par chance, la suite était plus légère, arrachant même un rire à l'avocate. Il y avait tellement d'émotion en si peu de temps…Cette situation était invraisemblable dans un sens. Tiraillée entre l'inquiétude pour les enfants, le soulagement de se retrouver, la timidité l'un envers l'autre et cette malice. Oui, la soirée avait été chargée sans aucun doute! « Alors ne vous plaignez pas des méthodes actuelles Monsieur! »

Sourire toujours accrochée à ses lèvres, celui-ci devint aussi malicieux que le regard de son mari. Pouvait-il réellement lui faire confiance pour passer une nuit calme? Rien n'en était moins sûr. Même si, en étant honnête, se retenir était la décision la plus sage. Pour ne pas regretter le lendemain d'avoir agi que par émotion, pour ne pas tout compliquer… Et pourtant…

« Vraiment? Bizarrement je n'en suis pas si certaine… » Ajouta-t-elle tout en se levant. Que dire de plus? Ils savaient très bien de quoi ils étaient capables. Et elle n'était pas du tout honteuse à ce sujet. A vrai dire, elle avait toujours félicité leur couple pour ça. De n'être jamais tomber dans la monotonie de couple marié avec enfant qui ne se regardait plus. Qui ne se touchait que trois fois par an, pour les anniversaires et la St Valentin. Non, entre eux cela avait toujours été une danse. Tantôt lente et sensuelle comme une Rumba, tantôt aussi endiablée qu'une bachata, leur danse de prédilection.

Après tout, en dix ans, elle aurait très bien pu aller voir ailleurs, mais jamais elle ne s'était décidée. Non, car elle savait qu'aucun autre ne saurait la faire vibrer comme lui pouvait le faire. Malgré sa colère, elle n'avait jamais voulu cesser de l'aimer. Quel paradoxe…

Sourire tendre à son compliment , elle le regarde tendrement, se contentant d'hocher la tête alors que le bel hindou prenait déjà son pyjama avant de filer. Il était vrai que la situation était assez gênante maintenant qu'ils étaient dans la chambre. Elle ne se sentait pas légitime de dormir là, auprès de lui, dans ses bras. Pas après ces dernières années… Comment aurait-elle pu l'être? Elle l'avait privé de ses enfants pendant si longtemps…

Et voila, a peine était-elle seule qu'elle se torturait l'esprit. Secouant la tête rapidement, elle se glissa dans le lit, sans même faire attention qu'elle avait repris le côté qu'elle avait toujours occupée. Comme une vieille habitude naturelle. Il faut dire que dans l'appartement, elle avait opté pour un lit une place, par manque de place et s'étant résignée à l'époque de vivre seule pour le restant. Elle nota d'ailleurs à quel point le matelas était de bonne facture. Enfin un vrai lit confortable… Elle en avait oublié la sensation au fur et à mesure.

Son regard se posa à son mari qui était revenu, notant ses hésitations mais comment lui en vouloir? Elle même sentait cette gêne d'adolescent. Aussi, elle ne put que rire en l'entendant, il avait parfaitement décrit la situation. Cependant, l'avocate n'avait jamais connu ce Jayan là. Le petit adolescent timide et elle trouvait réellement mignon.

« Tu viens de parfaitement décrire la chose. » S'amusa-t-elle avant de finalement venir contre lui et de poser sa tête sur son épaule. Un rapprochement innocent mais qui la rassurait en un sens. Elle le touchait, il était bien là, à ses côtés. Celui dont elle avait tant rêver sans jamais réussir à l'effacer de sa tête. Et elle le trouvait aussi parfait que dans ses souvenirs, s'étant pourtant persuadée de l'avoir idéalisé lorsqu'elle s'était plongée dans ses souvenirs. Lorsqu'elle le maudissait après une énième bouteille, mais non, il était toujours pareil à ses yeux.

« J'ai l'impression que c'est trop beau pour être vrai… » Souffla-t-elle malgré tout. C'est vrai, peut-être qu'elle rêvait? Un rêve doux. L'avocat posa doucement la main sur le cœur de l'ancien flic. Comme si sentir les battements de celui-ci pourrait l'aider à réaliser que ce petit moment de bonheur était réel.

Ambiance scandale

On dit souvent que, dans la tempête et le bruit, la clarté reparaît grandie et c'était vrai ce soir : Après la tempête de leurs retrouvailles impromptues, les hurlements de colère et les bris de verre, le calme s'était fait et l'espoir renaissait miraculeusement de ses cendres. Jayan n'arrivait d'ailleurs toujours pas à y croire, les doigts de sa belle brûlant agréablement sa peau dans de tendres caresses qu'il n'aurait clairement pas pu espérer quelques heures plus tôt... Était-il entrain de rêver comme il l'avait souvent fait ? N'était-elle qu'une apparition sortie des brumes d'alcool et de fatigue ? Non, il ne buvait jamais à ce point et, ce soir, il était plus que sobre... Et pourtant il ne pouvait pas se faire à l'idée qu'elle était bien là, si perdu qu'il ne put contrôler ses paroles, s'écorchant le coeur au passage.

Oui, les enfants avaient besoin d'un père malgré leur âge mais non, il ne méritait pas de l'être, pas encore du moins, pas si vite. Troublé par ses propres mots, Jayan ne put que s'excuser, bien vite rassuré par la main de son épouse et par son tendre sourire. Elle ne pouvait pas savoir à quel point tout cela lui avait manqué, à quel point son vieux coeur en avait eu besoin... Il sourit donc de nouveau, émerveillé par sa beauté et soulagé par sa confiance. Car Esme semblait croire que sa place pouvait être regagnée, qu'il pourrait les guider à nouveau, les épauler comme il aurait dû le faire pendant toutes ces années. Il l'espérait bien sûr, c'était même son souhait le plus cher après celui de retrouver son épouse...

Espoir encore, ils n'avaient plus que ça et, ce soir, il voulait y croire. Puis, après tout, Aubin s'était laissé faire assez rapidement et Julian n'avait pas été totalement fermé à son retour non plus... Peut-être que Swan finirait par revenir vers lui elle aussi ? Et que le dernier garçon sera tout aussi ouvert que ses frères ? Les choses ne sont pas facile en effet mais il ne comptait pas lâcher prise en si bonne voie, pas maintenant que le plus dur semblait derrière eux. Car, ensemble, ils pouvaient tout affronter, comme toujours. Si Esme était là pour l'épauler, il ne craignait aucune tempête et aucun obstacle ne pourrait le ralentir, Jayan en était convaincu. Sa femme avait toujours été sa force, son phare dans l'obscurité, sa bouée de sauvetage... Il n'avait toujours fait que prétendre pouvoir la sauver mais c'était tout le contraire et il ne s'en était jamais caché.

« Je ne sais pas si je pourrai faire grand-chose contre le démon de ce siècle mais je vais essayer. » Sourit-il lui aussi, amusé par l'idée et par la grimace de son épouse. « Quant à la sagesse, c'est juste que je suis meilleur acteur que toi. »

La taquina-t-il avec tendresse, peu convaincu d'être le plus sage même s'il savait effectivement le paraître. Et peut-être que sa religion l'aidait un peu aussi, lui ayant apporté une certaine façon de voir le monde, un certain recul aussi... Faites ce que je dis mais pas ce que je fais, c'était là son problème : toujours prompt à donner d'excellents conseils mais à ne jamais les suivre pour lui-même et leur situation en était une belle preuve. La sagesse de l'homme était donc relativement superficielle même s'il ne donnait que des conseils honnêtes et réfléchis, faisant toujours tout pour les autres avant de faire pour lui. Faites ce que je dis, pas ce que je fais, vraiment...

« Milles excuses... » S'amusa-t-il ensuite avec une petite révérence avant de l'aider à se relever. « Advienne que pourra alors. »

Sourit-il avec malice, haussant innocemment les épaules. Il le savait aussi bien qu'elle : résister ne sera pas facile, surtout après dix ans d'abstinence et de manque. Sans compter qu'il n'avait jamais été de ces couples qui ne prennent pas le temps d'être ensemble, toujours heureux de pouvoir partager un peu d'intimité même dans les moments les moins évidents. Ne serait-ce qu'avec une danse sensuelle juste pour sentir leur corps s'enflammer, juste pour vibrer même s'il fallait attendre... Deux aimants inlassablement attirés l'un vers l'autre par cet amour fusionnel qui ne semblait pas avoir perdu de son panache malgré tout.

Ainsi, se retrouver dans la chambre fut un peu étrange : Jay se retrouvant partagé entre l'envie d'agir comme avant et cette étrange gêne qui s'était tout de même immiscée entre eux. Les choses semblaient si naturelle pourtant... Les sourires, la tendresse, la malice... Mais pouvait-il se permettre d'ignorer les dix années de torture ? Non. Et il n'en avait pas le courage, disparaissant bien vite à la salle de bain pour se rafraichir et pour cacher son corps sous d'autres vêtements. Pas par honte non, juste parce que c'était la chose la plus sage à faire, la plus décente aussi. Il avait promis d'être sage, ils ne pouvaient pas se permettre de céder si rapidement.

« Ça me rassure. »

Sourit-il à nouveau en se glissant dans les draps, l'accueillant plus que volontiers contre lui malgré le frisson que le contact avait immédiatement enclenché. C'était comme si la main de la belle était brûlante et que la chaleur irradiait dans tout son corps, le poussant à fermer les yeux quelques secondes. Oui, c'était trop beau pour être vrai, si bien qu'il n'avait pas voulu éteindre la lumière de peur qu'elle ne disparaisse... Presque par réflexe, il usa du bras qui était sous la nuque d'Esme pour la rapprocher un peu plus de lui, prenant une grande inspiration avant de sourire à nouveau en tendant son autre bras. Juste en haut de son avant bras, une petite trace rouge contrastait avec sa peau halée.

« J'ai pincé fort pourtant mais je ne me suis toujours pas réveillé. »

C'était une plaisanterie même si ça aurait totalement pu être vrai. La marque en question n'était qu'une des petites cicatrices qu'il avait sur le corps, souvenir de son passé violent et de son ancien travail pas toujours très calme... Celle ci avait plusieurs voisines plus petites, traces d'éclats de verre reçus bien des années plus tôt en se protégeant d'une fenêtre explosée par une balle. Il en avait vécu des tempêtes donc... Mais celle qu'ils avaient traversé ces dix dernières années était la pire et la cicatrice qui faisait encore saigner son coeur était de loin la plus douloureuse de toutes. La main d'Esme y apportait d'ailleurs un soulagement délicat qu'il n'osait plus espérer.  

« Tu ne peux même pas savoir combien de fois j'ai fait ce rêve. » Murmura-t-il ensuite, se retournant doucement pour l'enlacer sagement, son corps restant encore à une distance raisonnable malgré tout. « Merci Cariña... » Reprit-il ensuite, ne sachant que lui dire de plus. Après tout, un merci était la moindre des choses non ? C'était même bien faible par rapport à ce qu'il ressentait réellement. « Merci pour tout. »

Pour avoir prit soin des enfants, pour avoir eu la force de sortir de ce gouffre, pour l'accepter dans ses bras, pour lui laisser une chance, pour être extraordinaire, pour tellement de choses qu'il ne savait pas par où commencer... Une chance qu'ils se connaissent assez pour ne pas toujours avoir besoin de mots, la magie semblant toujours opérer comme si les années n'avaient qu'à peine fanée leurs sentiments. Il était le plus heureux des hommes. Un peu frustré et gêné mais heureux, assez pour ne vouloir échanger sa place pour rien au monde. Jamais.

Quoi qu'il en soit, l'épuisement moral joua en leur faveur et les deux amants s'endormirent sagement avec seulement quelques baisers à éventuellement regretter le lendemain. Pas pour Jay de toute évidence, il n'avait plus aussi bien dormi depuis des années et son coeur n'avait plus battu avec autant d'ardeur... Une nuit merveilleuse en somme, juste lové contre son épouse comme il l'avait si souvent fait jadis et comme il l'avait trop souvent rêvé depuis leur séparation forcée. Il eu d'ailleurs un petit moment de flottement au réveil, hésitant à croire qu'elle pouvait réellement être dans ses bras. Hors c'était vrai et il ne put que l'admirer en silence quelques précieuses minutes avant de se faufiler hors du lit pour redescendre à la cuisine.

Jay n'avait jamais été un grand dormeur et c'était encore le cas aujourd'hui. Les nuits où il dormait du moins et elles étaient bien rares... Mais il s'était reposé cette fois, son corps acceptant pour la première fois depuis longtemps de se laisser aller. Reposé et heureux, il préparait le café en chantonnant dans l'espoir de continuer sur la lancée des vieilles habitudes en lui portant son petit déjeuner au lit. Les toasts étaient dans la poêle, l'eau du thé bouillait tranquillement et tout était déjà disposé dans un joli plateau en bois. Plus distingué que dans leur jeunesse, plus mature au fond, mais toujours avec autant d'amour.

Quand les toast furent bien dorés et que le thé eu atteint la perfection, l'homme les installa sur le plateau avec quelques biscuits et de la confiture puis il remonta à pas de chat jusqu'à la chambre. Il avait volontairement traîné un peu pour la laisser dormir, conscient qu'elle devait être épuisée elle aussi... Épuisée peut-être mais toujours aussi magnifique, aussi rayonnante que le soleil lui-même. Jay posa le plateau de son côté pour que l'odeur ne l'agresse pas trop puis il s'installa à côté d'elle en silence, lui laissant ainsi le temps de se réveiller tranquillement. Une chance qu'il ne soit pas trop loquace de bon matin, respectueux du réveil des autres et aussi un peu "ours mal léché" tant qu'il n'était pas bien réveillé lui-même. Mais pas ce matin. Ce matin, il était heureux et ça n'était plus arrivé depuis longtemps.

« J'espère ne pas t'avoir réveillé. »

Murmura-t-il avec tendresse bien qu'il n'osait étrangement pas la toucher. Peut-être qu'hier n'était qu'un rêve ? Une bulle protectrice prête à exploser ? Après tout, il ne méritait pas sa chance et craignait sincèrement de la perdre... Rester prudent donc, ne pas trop en demander, garder ses distances pour respecter ses limites. Être sage encore, aussi difficile que cela puisse l'être.

« Hey! Je suis une très bonne actrice! Je serais une superstar… Dans une Télénovela… » Il est vrai que dans ce genre de série, Esme aurait pu y avoir sa place. A force de surjouer certaines choses tout en essayant d'avoir l'air naturel, tel un talent caché… Bon, pour être honnête, elle ne savait pas jouer la comédie, ni pour faire semblant d'être calme, ni même pour garder une surprise. Son regard ou ses mimiques la trahissant beaucoup trop… Chose qui lui avait souvent porté défauts lors de fêtes surprises ou encore quand elle avait prévu un cadeau pour son mari. Pourtant, personne ne s'était jamais plaint de ses essais lamentables…

Après ces quelques échanges taquins, la route vers la chambre fut à la fois trop rapide et très longue. L'appréhension mélée à l'excitation d'enfin pouvoir à nouveau dormir lovée contre Jayan rendait Esme perplexe. Comment pouvait-elle ressentir autant de sentiments si contradictoire? C'est vrai, avait-elle le droit de dormir avec lui? De partager ce grand lit comme autrefois, quand ils étaient si fort, prêt à déplacer des montagnes? Quand ils étaient ce couple parfait qui avait attisé la jalousie de plus d'une personne. Elle avait d'ailleurs arrêté de compter le nombre de fois où des petits perturbateurs avaient tenté de s'immiscer entre les deux époux pour semer la zizanie, en vain. En vain car, les deux s'étaient toujours fait confiance. Une confiance aveugle, sans jamais douter de leur fidélité malgré les quelques petites jalousies par-ci par-là.

Pouvaient-ils redevenir ce couple là? Malgré les cicatrices béantes de ces dix dernières années? Qu'est-ce qui pourrait les empêcher d'essayer au fond? La réaction de leur enfant? Peut-être que cela ralentira les choses, mais de là à les en empêcher… non. Le poids des regrets? Pas certaine non plus…

Finalement, le retour de Jayan dans la chambre la fit sortir de ses pensées. Entre-temps, elle avait bien sûr rejoint le grand lit moelleux. Sans se faire prier, elle se blottit contre lui, riant à ses maladresses pourtant si réelles. Oui, ils étaient des adolescents qui découvraient les choses de l'amour. Assez drôle pour des petits adultes plus proches de la retraite qu'autre chose. Ses doutes s'évanouirent d'ailleurs aussi vite qu'ils étaient apparu, alors que l'ancien policier resserra leur étreinte.

« Si je ne connaissais pas ton corps, je pourrais y croire. » Déclara-t-elle tout en effleurant son bras tendrement avant de replacer sa main sur le torse du bel hindou. Il est vrai qu'elle se souvenait de chaque petit détail de la peau de celui-ci. Ces petits défauts qu'elle aimait particulièrement redécouvrir. Doucement, elle reprit ses douces caresses avant de lui sourire ne s'arrêtant que quand il se tourna vers elle.

La mexicaine souriait tendrement au début avant de baisser les yeux à son merci… Elle ne le méritait pas, vraiment pas. Elle n'avait cependant pas l'envie de rentrer dans ce débat, il était beaucoup trop tard de toute façon. Alors, elle se colla un peu plus à lui, nichant le visage dans son cou. Refuge presque subtil non? Et sans s'en rendre compte, au fur et à mesure, l'avocate s'endormit, bercée par la respiration de son mari.

Et quelle nuit. Pour la première fois depuis dix ans, Esme profita d'un réel repos. Apaisant, doux, réconfortant. Voilà la sensation qui lui avait tant manqué. Cette sensation de se sentir en sécurité, peu importe les soucis qui leur tombait dessus. Son sommeil fut si lourd qu'elle ne sentit même pas le gérant de bar quitter le lit. Par contre, elle le sentit revenir. Et doucement, la belle émergea de son sommeil. Elle bougea doucement avant d'ouvrir les yeux. Sentant la douce odeur du petit déjeuner chatouiller ses narines avec légèreté. Et enfin, cette voix qui la fit frissonner de tout son être. La voix rauque de son mari, celle qu'il avait au lever, même si, à l'entendre, ce ton s'effaçait déjà, signe que Monsieur était levé depuis quelque temps déjà.

« Si… mais je sens le petit déj donc tu es pardonné » Elle marmonnait plus qu'elle ne parlait, encore dans cette phase de l'éveillement. Elle souriait tranquillement, apaisée simplement. Ne réalisant pas tout encore mais ce qu'elle réalisa, c'était qu'il était bien trop loin à son goût. Aussi, sans prévenir, elle l'attrapa par le t-shirt et l'attira près d'elle. « Voilà qui est mieux! » Ses lèvres effleurèrent les siennes avant de plonger son regard noisette dans ceux du père de famille. « Bien dormi? »

Ambiance scandale

« Pour qu'un autre te tripotte joyeusement devant une caméra ? Je ne suis pas sûr que l'idée me plaise plus que ça... »

Sourit-il, se souvenant de quelques scènes loufoques dans les Télénovélas qu'il avait regardé à l'époque où il commençait à apprendre la langue. Esme avait été d'une patience héroïque avec lui, supportant son accent British et ses erreurs à bruler les tympans. Quoi qu'ils avaient bien rit devant ces fameuses séries plus étranges les unes que les autres ! Et ça l'avait beaucoup aidé à progresser mine de rien, il ne pouvait pas s'en plaindre. Pas plus qu'il ne pourrait supporter de voir un autre homme poser ses mains sur sa femme, même pour une série idiote... Jaloux ? Un peu oui, il ne s'en était jamais caché.

Quoi qu'il en soit, il ne cacha pas mieux sa gêne alors qu'il revenait dans le lit. Toutes ces années à dormir seul sous ces draps froids, toutes ces années à rêver d'elle en vain... Il avait l'impression de rêver, ne se sentant étrangement pas légitime à ses côtés. Comment pouvait-il mériter cette place ? C'était beaucoup trop beau pour être vrai et ils ne s'en cachèrent pas non plus, plaisantant comme des adolescents face à cette redécouverte de l'autre. Redécouverte qui paraissait inutile car Esme se souvenait aussi très bien du corps de son époux... Ils n'avaient rien oublié. Rien ne pouvait les séparer. Jamais.

« Promis, je n'en ai pas ajouté. »

Avoua-t-il avec un petit sourire en coin. Malgré les dangers, l'homme avait été prudent cette fois, évitant avec talent toute blessure physique. Pourtant elles auraient été moins douloureuses que les douleurs morales que cette mission avait causé, douleurs toujours présente alors que les caresses de sa femme brûlaient sa peau. Brûlure étrangement agréable qu'il ne pouvait pas repousser, de nouveau dépendant de cette tendresse. Ça non plus, il ne l'avait pas oublié et c'était aussi trop beau pour être vrai... Hors rien ne se passa. Rien de plus que Morphée qui vint les kidnapper après quelques minutes de plaisir sage.  

« Je suis soulagé de constater que ça n'a pas changé non plus. »

S'amusa-t-il alors qu'il avait reprit place sur le lit. Comme toujours, l'ancien flic s'était levé aux aurores et en avait profité pour tout préparer. Les vieilles habitudes semblaient revenir par magie, sans même qu'ils n'y pensent... Presque comme si rien ne s'était passé et la suite ne fit que le conforter dans cette idée : Esme l'attira subitement vers elle, ses lèvres déclenchant un frisson délicieux dans tout son être. La proximité soudaine l'avait troublé au point de lui ôter la moindre chance de répondre. Il s'était laissé faire, répondant au baiser avec tendresse malgré tout.

« Je n'avais plus aussi bien dormi depuis dix ans. » Avoua-t-il, son regard sincère plongé dans celui de son épouse, sourire aux lèvres. « Et toi ? Le matelas n'était pas trop dur ? » S'enquit-il, toujours avec sincérité et une pointe d'inquiétude incontrôlée. « Avec mon dos, j'ai dû opter pour quelque chose de moins moelleux qu'à l'époque... »


Admit-il, presque honteux. Quoi que moelleux était faible concernant leur tout premier matelas dans lequel ils s'enfonçaient atrocement. Celui ci contrastait beaucoup mais il était confortable, tout comme les draps en cotons et la couette épaisse... Jay n'avait pas fait les choses à moitié, poussé par l'espoir qu'elle le découvre un jour, espérant pouvoir partager ce havre de paix avec sa famille comme à l'époque. Son rêve serait-il entrain de s'exhausser ? Alors pourquoi ne pouvait-il pas s'empêcher d'être inquiet ? Pourquoi ce poids ne quittait-il toujours pas son coeur ?

Peut-être parce qu'Aubin lui avait écrit dans la nuit qu'il n'avait pas trouvé Swan et qu'il allait passer ce matin au bureau de Nathan pour voir s'il en savait plus ? Lui allait directement appeler ses amis dans la police afin de leur demander de jeter un oeil... Pourvu qu'il ne lui soit rien arriver ! Quoi qu'il avait prit une minute pendant que le thé chauffait pour appeler les hôpitaux des alentours et Swan n'y avait pas été admise dans la nuit. C'était déjà une bonne chose... Ou, du moins, c'est ce qu'il tentait de se dire, préférant garder ces nouvelles pour lui afin d'épargner un peu la belle Mexicaine qui méritait du repos.

« Tu as besoin que je te dépose quelque part ce matin ? Je pourrais ramener ta voiture directement à l'appartement ou... Ou où tu voudras. » Proposa-t-il, prêt à prendre sa journée pour lui rendre service. Il aurait tout donné pour pouvoir passer quelques heures de plus avec elle, juste là, à profiter de son doux regard et de sa présence rassurante. « Le pub n'ouvre pas tout de suite et je peux me faire remplacer au besoin donc je suis à ton humble service pour autant de temps que tu le souhaites. »

Ajouta-t-il, remisant son inquiétude dans un coin de son esprit. Ses contacts dans la police pourront tracer le téléphone de Swan, il pourra la retrouver et au moins s'assurer qu'elle aille bien... C'est tout ce qu'il voulait : savoir qu'elle allait bien, même si elle devait garder ses distances pendant encore plusieurs jours... Il avait pourtant hésité à lui envoyer un message ce matin, un simple petit mot pour lui demander si tout allait bien mais... Mais il n'était pas légitime et ne voulait pas la blesser davantage.

Une chose était sûre: peu d'hommes auraient été aussi patients que Jayan. Peu d'hommes auraient attendus des années et des années avant de reconstruire leur vie avec une autre femme ou à juste respect un ordre aussi débile que de rester éloigner des enfants. Car oui, cet ordre avait été d'une débilité sans nom venant d'Esmeralda. Et lui? Il n'avait rien tenté. Il n'avait pas tenté de faire quoi que ce soit derrière le dos de la mexicaine. Tout comme il n'avait pas tenter de la remplacer avec une autre femme.

Pire encore, ses sentiments envers elle n'avaient pas changé et elle y croyait. Elle le croyait car il ne lui avait jamais menti à ce sujet. Elle le croyait car son regard parlait pour lui. Tout comme cette simple phrase qu'il venait de sortir si naturellement. Homme jaloux qui ravit le cœur de la jolie brune. Alors, elle lui rendit son sourire, complice et en total accord avec ses mots. Elle aussi ne voulait pas réellement se faire tripoter par un autre.

Elle se souvenait d'ailleurs avoir eu beaucoup de mal à laisser le docteur l'examiner quand elle était enceinte. Même s' il ne faisait que son métier, ce pauvre Docteur avait été fortement limité dans son travail de part le caractère de la belle. Elle aurait préféré une femme à l'époque mais ils avaient plutot opté pour le meilleur. Et heureusement, car bon sang, avoir trois petits êtres aussi dynamique dans le ventre, cela avait été épuisant. Mais une fois de plus, elle ne regrettait rien.

Dans la chambre, une fois la gêne passée, tout semblait doux, apaisant malgré les regrets encore bien trop présents des deux côtés. Elle était heureuse d'entendre qu'aucune autre cicatrice n'avait rejoint les autres déjà bien trop nombreuses au goût de la mexicaine. Pas que cela lui déplaisait, mais elle n'aimait pas savoir l'ancien flic blessé. Elle n'avait jamais aimé et n'aimerait jamais ça. Et elle savait que c'était réciproque, il n'y avait qu'à voir sa réaction au Pub quand elle s'était écorché les genoux…

La réalité et qu'ils vivaient l'un pour l'autre depuis leur rencontre. Ils ne formaient qu'une personne. Et une fois séparés, ils n'étaient plus rien. Des ombres, des âmes perdues qui vagabondaient, survivant dans ce milieu sans une moitié vitale de leur existence. C'était à la fois terrifiant et romantique. C'était tristement magnifique, un amour si fusionnel. Un coup de foudre comme il y en avait peu. Et ils s'étaient retrouvés. Peut-être juste le temps d'une nuit, mais c'était plus que suffisant pour baisser la garde, pour profiter et pour une fois depuis ces dix dernières années: passer une vraie nuit.  

Et quel doux réveil que celui d'ouvrir les yeux près de l'être aimé? Le rêve se poursuivait donc même le lendemain. Cette bulle dans laquelle ils s'étaient enfermé dans cette maison semblait tenace et tant mieux. « On est trop vieux pour changer » Souria-t-elle avant de l'attirer à elle subitement pour voler un baiser. Elle voulait en profiter. Profiter du peu de temps qu'il restait encore dans cette bulle avant de retourner à la réalité. Avant de retourner à la maison voir si Swan était repassé, à devoir parler au triplet, sans oublier le travail, elle avait des rendez-vous importants… Oui… La journée allait être longue, beaucoup trop longue et une fois de plus, forte en émotion.

« On est deux dans ce cas… Tes bras m'avaient manqué. » déclara-t-elle en lui rendant ce sourire sincère. C'était si doux. Enfin de la douceur après tant d'années… Même après cette nuit passée, elle avait encore du mal à réaliser ce qui leur arrivait. Elle rit cependant à l'aveux de Jay. Pas un rire moqueur, non, un rire tendre avant de le regarder avec une lueur de malice. « Le matelas est parfait, mais il mérite d'être un peu plus travaillé je pense… » Plaisanta-t-elle avec des sous-entendus non dissimulés avant de caresser sa joue avec douceur. « Tu as parfaitement choisi et mon dos aussi te remercie! »

Oui, il n'était pas le seul à avoir subi les foudres des années qui défilaient. De plus, elle n'avait pas eu la meilleure hygiène de vie… Avec l'alcool, elle avait abandonné le sport pendant des années. En réalité, elle avait repris depuis quelques mois à peine, grâce à la cure… Et son matelas à l'appartement était une vraie catastrophe. Elle en avait oublié l'existence de vraie literie comme celle-ci. Alors oui, tout était parfait. Il avait toujours bien choisi et ce lit en était une nouvelle preuve.

L'avocate se redressa doucement dans le lit pour s'asseoir et s'étirer légèrement. Elle réfléchit un instant à la proposition de Jayan. C'était fortement tentant d'accepter mais malheureusement, elle devait assumer ses choix passés. Elle devait voir ses fils, parler. Elle devait aussi voir où était Swan, si elle était repassée à l'appartement ou non… Alors avec un soupir et secoua doucement la tête, son regard se posa sur l'hindou « Il faut malheureusement que je récupère ma voiture avant midi… J'ai des dossiers dedans et des rendez-vous de prévu… Et je dois m'occuper des enfants… »

Sa tête se posa contre la tête de lit et elle soupira à nouveau en fermant les yeux. Le retour à la réalité n'était pas très alléchant mais il fallait qu'elle se motive. « Et je dois changer de tenue aussi avant ça… Mon tailleurs d'hier est dans un sale état » grimaça-t-elle à cette pensée. Pauvre tailleurs tout neuf… Et il était évident qu'elle allait éviter les jupes ces prochains jours.

Ils déjeunèrent et elle par la suite dans la salle de bain se rafraîchir. Elle n'était pas encore prête à retourner dans le monde réel, de quitter cette bulle si apaisante et sécurisante. Vraiment pas prête… Pourtant, elle le devait. Elle devait faire face, il n'y avait que comme ça qu'elle pourrait espérer que tout se termine bien, n'est-ce pas? Rapidement, elle enfila à nouveau ses vêtements de la veille et elle attacha ses cheveux avec un élastique qui traînait dans l'une de ses poches. Bon, ce n'était pas encore ça, mais cela suffirait pour juste aller chercher sa voiture. L'avocate le rejoint par la suite en souriant doucement mais tristement.

« Je vais te donner mon numéro, enfin, si tu l'as pas déjà…? »L'interrogea-t-elle du regard. Après tout, elle connaissait mieux qui quiconque ce dont il était capable pour avoir n'importe quelle information… C'était même de la magie à son niveau.

Ambiance scandale

Jayan n'avait jamais eu le moindre doute concernant Esme. Dès l'instant où il avait posé ses yeux sur elle, il avait su qu'elle était différente et que leur relation ne pouvait pas être anodine. Chaque jour depuis, il s'était estimé chanceux que la belle l'accepte dans sa vie, heureux de faire partie de son monde car c'était bien au delà de ce qu'il aurait pu espérer. Les enfants avaient été un bonus non négligeable à cette merveille dont il ne s'était même pas lassé malgré la longue séparation. Au contraire même, l'absence avait renforcé ses sentiments et ses certitudes : ils n'étaient qu'un, incapables d'être entier sans l'autre, de vague coquilles vides. Alors cette nuit, Jay était revenu à la vie, enivré par l'odeur familière de son épouse, calmer par la chaleur de son corps contre le sien, apaisé par sa simple présence. Depuis dix ans, il n'avait pas dormi aussi bien et il ne s'était pas réveillé aussi vivant.

Sentiment pourtant douloureusement amoindrit par le message de leur fils aîné qui n'avait pas retrouvé Swan. Sa fuite avait été rapide et des plus justifiée mais l'absence de nouvelles avait grandement chamboulé son réveil. Pendant que le thé chauffait, l'ancien flic avait réveillé la moitié de la ville en quête d'information : Les hôpitaux, le poste,  quelques hôtels... Et son absence en ses lieux étaient déjà bon signe sans compter que l'Indien était rassuré de savoir que son fils allait aujourd'hui se renseigner auprès du petit ami de la jeune femme. De tous, il était sûrement le plus susceptible de savoir quelque chose puisque Swan semblait lui vouer un amour absolu... Amour qui inquiétait ce père trop protecteur mais qu'il ne pouvait juger pour avoir vécu la même passion avec son épouse. Passion qu'il vivait encore.  

« Moi surtout. »

Sourit-il avec tendresse même s'ils étaient effectivement tous les deux trop vieux pour changer. Quoi qu'ils n'avaient pas à se plaindre, les années avaient été relativement clémentes avec leur physique malgré les épreuves. Quelques rides, des muscles un peu moins fermes par endroit, quelques cheveux blancs qu'il camouflait sous une teinture mal assumée. Rien de bien grave ou de bien anormal, leur amour étant de toute façon bien trop fort pour s'arrêter à ce genre de détail insignifiant. Esme lui en offrit d'ailleurs une belle preuve qui ne put que lui aller droit au coeur... Si bien d'ailleurs qu'il ne put répondre par autre chose que par un nouveau baiser. C'était si doux, si merveilleux, quel dommage que la réalité soit déjà à la porte à guetter...  

« J'attendais la spécialiste. »

S'amusa-t-il, son visage encore proche de celui de la belle alors qu'elle suggérait que le matelas soit plus travaillé. Ce n'est pas faute d'en avoir eu envie mais il n'avait jamais pu se résoudre à la remplacer... D'autres femmes avait attiré son regard parfois, au bar c'était facile hors aucune n'avait fait le poids. Comment le pourraient-elles après tout ce qu'ils avaient vécu ?

« Tout le plaisir est pour moi. »

Affirma-t-il avec la même malice bien que ce soit sincère. Ils se redressèrent ensuite tout deux, lui la rejoignant contre la tête de lit à "sa place" qui n'avait pas changé non plus. Égaux à eux-même, le couple immortel avait instinctivement reprit les vieilles habitudes sans même se poser la question. Hors la question de la suite était inévitable, qu'ils le veuillent ou non... Et la réponse ne les enchantaient pas, ni l'un ni l'autre.  

« Je comprends. » Soupira-t-il presque. « Et si je peux faire quoi que ce soit n'hésite pas. »

Reprit-il, une étrange gêne revenue dans l'atmosphère. L'idée de parler aux enfants étaient à la fois simple et compliquée, mieux valait qu'elle ouvre la danse dans tous les cas. Quoi qu'Aubin et Julian savaient déjà qu'il était dans les parages et le cadet n'était pas le plus difficile à gérer sans doute... Bien qu'ils puissent avoir une mauvaise surprise comme ce fut le cas avec Swan. Cette dernière ayant néanmoins toutes les raisons du monde d'être surprise et emplie de haine... Idée qui serra douloureusement le coeur de l'Indien qui ne put que baisser les yeux un instant.

« C'est dommage, il était ravissant. » Sourit-il, relevant les yeux vers elle, un peu plus à l'aise à nouveau. Il y avait de l'espoir, ils pouvaient tout affronter ensemble... « M'en voudrais-tu si c'était le cas ? »

Demanda-t-il, un sourcil légèrement relevé dans un air de fausse innocence. Ils avaient déjeuné puis Esme était allée se rafraichir à la salle de bain où lui avait déjà terminé ses affaires depuis longtemps. Quand allaient-ils se revoir ? Qu'allait-il se passer à présent ? Il n'en savait rien mais il était étrangement optimiste tout en étant terrorisé. Les enfants étaient un gros morceaux de toute évidence mais leur relation allait aussi être délicate... Ils devaient s'apprivoiser de nouveau, y aller doucement, le tout en gérant la sensibilité des enfants. Mais il était prêt à tout pour eux, refusant de manquer cette seconde chance inespérée.  

« Tu as besoin de quelque chose avant que je ne te dépose au pub ? » Proposa-t-il ensuite alors qu'ils quittaient à contre-coeur leur petite bulle pour gagner la voiture.  Là, la gêne revint alors que le coeur du policier se serrait à nouveau. « Aubin n'a pas retrouvé Swan mais... » Commença-t-il avant de réaliser qu'Esme n'était peut-être pas au courant pour Nathan... Tant pis, ce n'était qu'un détail après tout, surtout aujourd'hui n'est ce pas ? Il reprit donc après seulement quelques secondes d'hésitation : « Il sait où travaille le jeune homme de qui elle est proche alors il va passer le voir ce matin. » Neutre mais honnête, surtout que le mot "petit copain" lui piquait aussi la bouche en bon père protecteur qu'il était... « Pour ma part, j'ai appelé quelques amis et elle n'a pas été enregistrée dans le moindre hôpital ou au poste de police. » Ajouta-t-il, bien plus confiant et moins perturbé par cette partie de l'histoire. « Nous devrions en savoir plus bientôt, je te tiendrai au courant. »

Promit-il, lui lançant un petit regard rassurant avant de reporter son attention sur la route. Il était néanmoins clair que l'homme était inquiet et gêné par cette situation... Mauvais père jusqu'au bout, il avait blessé sa fille qui s'était retrouvée en danger par sa faute. Ainsi, même si Esme n'avait pas besoin de lui ce matin, Jay avait déjà demandé à sa soeur de couvrir son service pour continuer son enquête, bien décidé à retrouver sa fille avant la nuit.

« Et j'ai demandé à Rosie de me remplacer aujourd'hui alors je serais là si tu as besoin de quoi que ce soit. »

Conclut-il, ne pouvant s'empêcher de poser sa main sur celle de son épouse, bénissant les voitures automatiques qui lui permettait ce geste sans les mettre en danger. Quoi qu'il était un pilote agile même avec une manuelle et ils avaient fait quelques folies sur les routes aussi à l'époque. Un sacré passé qui promettait sûrement un sacré avenir... À condition que le vent tourne enfin en leur faveur. Maudit Karma.

@Jayan Thakur  &  @Esme Torres

Sourire tendre, parole douce, même le réveil ressemblait à un rêve. Si bien que la mexicaine se demandait si elle était réellement éveillée. Malheureusement pour elle, elle l'était bel et bien, ce qui signifiait que le retour à la réalité était donc inévitable et imminent.  Il restait malgré tout un peu de temps pour le couple retrouvé. Un peu de temps pour souffler et se redonner des forces pour ce qui les attendaient chacun de leur côté.

Après quelques plaisanteries sur leurs âges maintenant avancés et sur des petits sous-entendus coquins, la jolie brune se redressa dans le lit. Prenant un instant avant de finalement répondre à la question de son mari. Oui, elle avait des choses à régler entre le travail et la famille, elle allait devoir jongler tout en faisant un numéro de funambule… C'était exactement ça qui allait se passer, elle allait devoir jouer l'équilibriste en marchant sur un fil de rasoir. Devoir tout annoncé aux garçons… leur dire la vérité sur Jayan, sur ce qu'il s'était passé la veille avec leur sœur…  « Promis, si j'ai besoin de quoi que ce soit, je t'appellerais » Déclara-t-elle, lui offrant un sourire doux.

Elle savait qu'il était tout aussi inquiet qu'elle. Peut-être même plus en réalité, ayant été à l'écart pendant dix ans, il était normal que son mari appréhende l'avenir plus qu'elle. Et il n'était pas difficile de deviner ce qui se tramait dans la tête de l'hindou. Alors, elle décida, après un bref instant, d'alléger un peu leur pensée, avec une blague innocente sur ce pauvre tailleurs. « Un peu qu'il était ravissant! C'était le dernier en plus. Par chance, tous les tailleurs me vont! » Continua-t-elle sur le même ton humoristique. Evidemment, elle n'en pensait pas un mot, loin d'être narcissique. Mais elle savait bien choisir ses vêtements. Un coup d'œil rapide sur un morceau de tissu et elle savait si oui ou non, elle pourrait en faire quelque chose. « Je demandais pour la forme… Je me doutais déjà de la réponse. Je te laisse m'envoyer un message dans ce cas! Histoire d'avoir le tien. » Souria-t-elle, amusée. Oui, elle avait épousé un vrai policier. Même si cela relevait plus de la CIA à ce niveau d'information…

Et bien vite, après un petit déjeuné trop rapide et un tour dans la salle de bain, l'heure de retourner à la vie réelle sonna. Heure fatidique. La tension commençait à reprendre possession du corps de l'avocate alors que le couple entra dans la voiture. « Non merci, je crois que j'ai tout ce dont j'ai besoin… » Elle lui souria doucement avant de regarder par la fenêtre le chemin. L'écoutant avant de froncer les sourcils à ses dires. « Tu parles de Nathan? » Demanda-t-elle avant de soupirer doucement au reste du discours. « C'est gentil d'avoir pris les devant mais… » Elle hésita un instant, son regard se posant sur lui, elle cherchait ses mots, ne sachant pas trop comment formuler ses pensées. « C'est Swan… Même perturbée ou en colère, elle gardera toujours la tête sur les épaules… J'ai confiance en elle… On doit juste… Lui laisser le temps je suppose… » Elle grimaça un instant, se rendant compte à quel point sa fille lui ressemblait. Et ce n'était pas la meilleure des choses aux yeux d'Esme qui s'était autrefois laissé envahir par des démons bien sombres. Mais, sa fille avait assisté à ça et elle savait très bien que jamais, Swan ne voudrait tomber dans ce genre de vie et heureusement. Oui, elle avait confiance en sa fille et elle attendrait qu'elle soit prête à leur parler, sans forcer. Sans l'étouffer… « Ça ira… D'accord?  » Demanda-t-elle aussi bien pour le réconforter que pour s'en convaincre.

Si il était là, avec elle, Esme allait pouvoir supporter cette épreuve. Encore une, comme si la vie s'amusait à leur en foutre plein la gueule chaque jour. Était-ce le prix à payer pour les premières années de bonheur intense que la famille avait connues? Comme une balance cosmique. Ils ont eu droit à un bonheur incroyable, maintenant, ils devaient traverser un désert d'emmerdes. Mais si c'était bien ça, la chance ne devrait plus tarder à revenir… Non? Elle l'espérait en tout cas. De tout coeur.

« Rosie? Je ne savais pas qu'elle travaillait aussi avec toi… Comment va-t-elle? » S'enquit-elle auprès de son mari. Rosie avait été comme une petite sœur aux yeux d'Esmé. Quand elle avait fuit, elle avait souvent regretté de ne pas avoir prévenu la jeune femme, mais elle avait eu peur. Peur de voir Jay redébarquer dans leur vie après un coups de fil auprès de celle-ci. Et pourtant, même si cela avait pris du temps, il les avait retrouvés. Elle avait donc mis de côté la jeune femme pour rien et elle le regrettait amèrement.

Sans demander son reste, la jeune femme entrelaça ses doigts avec ceux de Jayan, sentant une chaleur d'apaisement l'envahir à nouveau. Oui, ils étaient dans la merdes sur pas mal de point mais maintenant, ils étaient ensemble. Pour le meilleur et pour le pire, n'est-ce pas? Elle n'avait aucune idée à l'époque de ce que pire voulait dire mais elle était ravie de voir que bien des années après, leurs vœux de mariage étaient encore bel et bien actifs et emplis de sens… Et perdue dans ses pensées, elle ne réalisa qu'une fois devant le Pub qu'ils étaient arrivés… Déjà, aussi vite… « Gracias mi amor » Rapidement, elle récupéra son sac et se pencha ensuite pour embrasser l'homme qui venait de revenir dans sa vie. Un dernier baiser tendre et passionné à la fois.

Avec regret, elle s'écarta avant de sortir du véhicule, rejoignant le sien, un peu plus loin. Une berline plus petite. Les clés en main, elle l'ouvrit et fit un dernier signe au barman avant de rentrer dans la voiture. Et sans attendre, elle démarra, rentrant vers l'appartement afin d'aviser la suite des évènements, le cœur plus léger cependant de par cette nuit apaisante.

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Ambiance scandale

Jayan aurait voulu être plus efficace : Aider sa famille de façon plus concrète, participer davantage aux réconciliations, être avec sa femme plus longtemps... Tant de choses qu'il aimerait pouvoir faire sans en être capable, tant de mots qu'il aimerait pouvoir dire sans l'oser. Car c'était vrai, il se sentait comme un adolescent à bien des égards, perdus dans ses réflexions et ensevelis sous des peurs plus ou moins justifiées. Mais comment pouvait-il en être autrement ? C'était la chance de sa vie qu'Esme venait de lui offrir alors il ne pouvait pas prendre le risque de tout gâcher, il n'avait pas le droit au faux pas, plus maintenant, il en avait trop fait. Alors pour l'instant il ne pouvait rien faire à part attendre sagement les ordres de la belle Mexicaine, espérer en silence comme il l'avait fait pendant dix ans...

« D'accord. »

Soupira-t-il, peinant à cacher cette tristesse presque mêlée de honte. Se sentir si impuissant le rongeait... Lui qui savait toujours se sortir de tout, qui avait un carnet de contact bien rempli se trouvait à ne rien pouvoir faire et c'était une horreur absolue. Pendant les quelques années qu'il avait passé ici, il s'était tout de même activé dans l'ombre. Remplir les comptes, modifier son testament, aménager le maison, le pub... C'était indirect mais ce n'était pas "rien", "rien" lui paraissant plus qu'insupportable. Hyperactif ? Un peu oui, en plus du fait qu'il ne supporte d'être inutile et inactif.

« Ça c'est bien vrai. »

Sourit-il ensuite avec sincérité, l'âme un peu allégée par cette légère pointe d'humour salvatrice. Malgré les années, Esme était toujours la femme la plus belle à ses yeux et il ne pouvait pas nier qu'il la trouvait magnifique qu'elle que soit sa tenue. Sûrement manquait-il un peu d'objectivité mais qu'elle importance et pourquoi devrait-il s'en cacher ? Sans compter qu'ils étaient toujours mariés, il était normal qu'il la trouve merveilleuse et qu'il la complimente.

« Je n'ai pas trop changé tu sais. » Admit-il avec un faux air coupable bien que son sourire ne faiblisse pas. « Et voilà. »

Discrètement, il avait sorti son téléphone pour envoyer un simple texto. Juste un Chose promise accompagné d'un petit sourire rougissant. Une phrase à sens multiples dans leur cas. Il avait tenu parole en ne s'approchant pas des enfants, il allait tenir parole en restant dans les parage à présent, il avait toujours été fiable malgré cette erreur dont ils payaient toujours les pots cassés. Un homme loyal qui n'avait pas fauté et qui regrettait amèrement cette piètre décision mais qui allait tout faire pour se rattraper et pour leur offrir ce bonheur qu'ils méritaient tant.

« Toujours aussi prévoyante. » Répondit-il toujours aussi sincère avant de perdre un peu son sourire à l'évocation de Nathan. « Tu... Tu es au courant ? »

S'étonna-t-il bien que Swan n'ait pas caché son admiration pour le jeune homme sur lequel il avait brièvement enquêté. Si Swan en avait parlé à sa mère, c'est que c'était sérieux non ? Bon, il semblait bien sous tout rapport mais comment pouvait-il en être sûr ? Devait-il s'immiscer davantage ? Devaient-ils s'inquiéter d'une histoire aussi sérieuse à leur âge ? Quoi qu'ils s'étaient connus jeunes aussi... Et avaient eu les enfants jeunes... De quoi s'inquiéter donc car ils étaient trop jeunes pour être grands-parents ! BEAUCOUP trop jeunes !

« Tu as raison, Swan est raisonnable, nous pouvons lui faire confiance. » Affirma-t-il avec un léger sourire malgré son regard toujours inquiet. Confiance en Swan oui mais en lui ? En les autres ? C'était une autre histoire. « Et je ne peux pas lui en vouloir d'avoir besoin de temps j'aurais... J'aurais dû réagir autrement. »

Avoua-t-il en soupirant de nouveau. Jay savait depuis le début que ce plan était une mauvaise idée mais il n'avait pas pu s'en empêcher, trop heureux de pouvoir passer du temps avec sa fille, de pouvoir veiller sur elle de plus près. Comment avait-il pu espérer une seule seconde que le vent ne finisse pas par tourner ? Comment avait-il pu croire une minute que les choses pouvaient bien se terminer ? Un mensonge aussi gros, une trahison aussi abominable ? L'homme n'avait que ce qu'il méritait, il en était conscient.

« Oui, tout ira bien. »

Reprit-il, un peu triste mains sincèrement plein d'espoir. Ils étaient ensemble maintenant, unis face à ces nouvelles épreuves. Peut-être pas aussi forts qu'avant mais ensemble et c'est tout ce qui comptait, c'est ce qui faisait toute la différence. Jayan avait confiance en eux, en la force de leurs sentiments... Après tout, elle lui avait offert une belle preuve cette nuit, un espoir qu'il n'avait plus espéré et qu'il ne pouvait que chérir pour garder courage.

« Nous ne sommes pas les inséparables pour rien. »

S'amusa-t-il à l'évocation de sa petite soeur de qui il avait toujours été très proche. C'était même un peu comme une fille pour eux à l'époque en vue de leur différence d'âge mais surtout du statut qu'elle avait toujours eu au sein de la famille. Rosie avait été une grande soeur pour les enfants autant qu'elle avait été une petite soeur pour lui, une aide précieuse, un soutien sans faille, une bénédiction.

« Elle va bien c'est gentil, égale à elle-même. » Sourit-il, amusé. Rosie était une pile électrique qui n'avait pas changé non plus au fond. « Et je suis sûr qu'elle sera heureuse de te revoir. »

Ajouta-t-il sans une once de doute avant de frissonner en sentant la main de son épouse serrer la sienne. Petit geste insignifiant de l'extérieur mais qui avait une importance non négligeable pour l'Indien. Signe de confiance retrouvée, d'amour presque intact, d'espoir... Il serra tendrement ses doigts, ne souhaitant plus la lâcher mais ils étaient déjà arrivés et il fallait se résoudre à sortir de cette petite bulle dans l'espoir que la prochaine arrive vite.

« Gracias a ti. » Murmura-t-il s'avançant pour attraper son baiser au vol tout en le prolongeant de quelques précieuses secondes. « Tu sais où me trouver au besoin, n'hésite pas. »

Dit-il avant de la laisser partir à contre-coeur. Bref mais intense, ces retrouvailles avaient offert à l'homme une seconde vie et il ne pouvait plus s'empêcher de sourire. Ce sourire sincère qu'il n'avait plus réellement eu depuis des années, caché derrière un masque d'amertume et de culpabilité pourtant toujours présent dans son coeur. Mais aujourd'hui était un nouveau jour et il y croyait vraiment : Ensemble, ils pourraient tout franchir.