Déjeuner entre amis | feat Hadès

De la musique latine à fond, une cuisine légèrement désordonnée dégageant une multitude d'odeurs alléchantes. Les feux et le four étaient tous utilisés. Depuis son retour, Esmeralda avait repris certaine habitudes, dont la cuisine. Étonnement, c'était comme le vélo, cela ne s'oubliait pas. Et elle en profitait à fond pour à nouveau gâter ses quatre monstres dès qu'elle le pouvait. Ce soir-là, elle allait enfin avoir les quatre en même temps. Un bonheur simple pour la mère de famille revenue de loin. Elle en avait aussi profité pour préparer le déjeuner qu'elle allait partager avec un ami de longue date: Hadès.

Le jeune homme l'avait invité à venir manger chez lui, histoire de discuter entre amis. Cependant, bien qu'il ait énormément de qualités, les plats d'Hadès étaient en général...Enfin, vous voyez quoi. Ce n'était pas le Roi de la cuisine. Peut-être était-ce pour ça qu'il vivait dans un quartier rempli de restaurants après tout.... Aussi, elle avait opté pour un plat simple qu'il n'aurait qu'à enfourner une fois là-bas: une lasagne. Celle-ci était déjà emballée, juste à côté de quelques cookies encore chauds. Esme se souvenait de son péché mignon pour ce genre de douceur. De plus, comme elle en avait fait pour un régiment, pourquoi ne pas le lui en apporter?

Rapidement, elle coupa la gazinière où mijotait quelques plats du soir et attrapa sa veste pour s'habiller chaudement. Hors de question de mourir congelé sous la neige d'Ottawa... Foutue saison... Enfin, la mexicaine adorait l'hiver... quand elle ne devait pas sortir. Sinon... Disons qu'en bonne latine, elle préférait les températures chaudes. Enfin soit, elle attrapa son sac, le plat, les cookies et sortit enfin de chez elle pour aller chez le détective.

Une fois la maison enfin repérée, la voiture se gara devant et sans plus tarder, elle se dépêcha d'aller toquer à la porte, tout en évitant de se casser la figure sur les plaques de verglas. Foutue temps... Quand la porte s'ouvrit enfin, elle se glissa à l'intérieur sans même attendre l'invitation. Oui, elle n'avait pas perdu de son aplomb la petite dame. « Salut! Comment tu vas depuis le temps. Tu ne m'en veux pas, j'ai pris de quoi nous nourrir dignement! » Evidemment, elle plaisantait, lui offrant un grand sourire taquin. « Oh et je t'ai ramené des cookies maison... J'en ai fait beaucoup trop, je me suis donc dit que tu te sacrifierais pour que cela ne soit pas gaspiller. » Sans un mot de plus, elle lui refourgua tout dans les bras pour retirer sa veste. Une veste bien trop grande pour elle niveau longueur. Les joies de faire moins d'un mètre soixante sans doute… Elle déposa celui-ci au porte-manteau tout en le regardant pour qu'il aille vers la cuisine, amusé. Tornade mexicaine qui venait de s'abattre sur le pauvre homme. « Alors, dis-moi, quoi de nouveau dans votre vie Monsieur le Détective? »

Hadès était une personne que jamais Esme n'aurait cru revoir un jour. Elle avait connu le jeune homme lors de son ancienne vie, en Angleterre. Il avait été ce jeune policier, ami de son mari qui était souvent venu demander des conseils juridiques à l'avocate. Elle était encore alors Esmeralda Flores à l'époque. Une femme heureuse en mariage, avec une famille qu'elle chérissait plus que tout.

Il faut dire qu'à présent, sa vie avait légèrement changé. Jayan avait disparu il y a de ça dix ans. N'étant revenu qu'une fois, il y a quelques années et depuis? Plus rien. Volatilisé à nouveau. Ses enfants avaient vécu l'enfer d'un changement de vie radicale. Fini la grande maison avec le beau jardin. Fini les anciens copains d'école, fini Toronto… Oui, leur vie avait changé et revoir Hadès était toujours un doux souvenir de cette époque où tout allait bien.

C'était comme revoir un ami de longue date qui pouvait comprendre chacun des petits tracas de votre vie. Non, pas comme… C'était le cas, il était cet ami là. Certes, il était plus jeune, mais Esme n'avait jamais mis la différence d'âge sur la table avec lui. Parlant comme avec un égal. De plus, le jeune homme était d'une très agréable compagnie. Alors, un déjeuné? Elle avait évidemment bondit sur l'occasion pour accepter. Sa joie se ressentait sans aucun doute à sa façon d'agir. Petite femme excitée comme une puce, une petite tornade de bonne humeur qui ne laissa pas le temps à son hôte de digérer le flot de parole.

Son rire fit cependant comprendre à la mère de famille qu'il trouvait cela amusant. Tant mieux, car elle ne comptait pas changer d'attitude. Ayant décidé de reprendre une vie normale comme autrefois ou du moins, essayer. Et pour essayer, valait mieux être envie et non assassinée par une intoxication alimentaire, non? Oui bon, elle abusait, mais elle aimait taquiner le jeune homme qui ne manquait pas d'approuver ses dires. L'auto-dérision était un bon remède non?

« Et je vais bien, et toi ? Au fait, si la maison est trop froide pour tes standards je peux augmenter la température. » L'avocate déposait son manteau avant de le regarder avec un nouveau sourire ravie. La maison, trop froide? Si il savait que comparer à son médiocre appartement, cette maison était aussi chaude qu'un sauna… Elle grimaça rapidement avant d'hausser les épaules. « Mon chauffage est en panne à l'appartement, alors crois moi… la température ici est excellente! Et pour te répondre, je vais très bien, merci! » Et sans demander son reste, elle le suivit jusqu'à la cuisine.

Elle observait les détails de la maison, curieuse de voir l'évolution de son ami, tout en l'écoutant répondre à une énième question. Son regard se posa sur lui, amusé de ce qu'il venait de dire. Hadès n'avait pas réellement changé et cela lui faisait plaisir, retrouvé un peu de cette ancienne vie intacte. « Tu sais que les nouveautés peuvent être sympas des fois? Il ne faut pas les fuir comme ça. En tout cas, si jamais tu ne fais pas les fêtes à un de tes deux travails, n'hésite pas à passer. Tu es toujours le bienvenue, même à l'improviste!»

Paroles remplies de sincérité. Oui, il serait toujours le bienvenue chez eux, peu importe quand, peu importe le problème. C'était comme ça qu'Esmé traitait ses amis. Prête à tout, peu importe de quoi il s'agissait, pour venir en aide ou juste faire passer un bon moment à ses proches. De plus, les enfants seraient contents de le revoir, alors pourquoi pas?

« Mais je suis sûr que toi en revanche tu as des nouvelles plus passionnantes à dire que moi et mes impératifs ennuyeux. Comment se passe le boulot aussi ? » Ah le boulot… Voilà un sujet qui redonna un sourire joyeux à la mexicaine. Il faut dire qu'elle ne travaillait que depuis peu de temps dans ce nouveau cabinet, ayant pendant des années enchaîné des petits jobs sans intérêt à cause de ses soucis de bouteilles, dira-t-on… Une place où ses talents d'avocate avait directement été valorisée et où son patron et ami lui avait, en toute confiance, plusieurs affaires délicates. « A vrai dire, j'ai pas grand chose de passionnant à raconter. Je reprends ma vie en main et ça fait du bien après autant de temps. Et pour le boulot, j'ai beaucoup de chance je t'avoue. J'ai des collègues agréables, les affaires s'enchaînent, j'ai pas vraiment le temps de m'ennuyer. Mais ne compte pas sur moi pour t'aider si je défends une de tes prises!» Plaisanta-t-elle avant de se redresser. Elle savait très bien que jamais il ne se permettrait une chose pareille et il était peu probable qu'elle accepte un client fraîchement arrêté par son ami. Par respect pour celui-ci avant tout.

« Je veux bien un jus de fruit ou de l'eau, je te laisse choisir. » Ne pas demander un verre d'alcool était encore une épreuve, surtout lors de dîner comme ça. Combien de fois n'avait-elle pas bu un petit verre de vin lors d'un dîner avec ses amis? C'était une vieille habitude plus qu'un besoin mais comme l'expression le dit si bien, les habitudes sont les plus difficiles à perdre. C'était comme arrêter la cigarette pour certain, le geste lors de soirée, la clope du matin… Tout n'était qu'une habitude horrible à s'en défaire. Pour l'alcoolisme, c'était la même chose.

Un nouveau rire s'échappa de la gorge de la mexicaine, ne pouvant s'en empêcher alors qu'Hadès semblait vouloir bien faire pour le repas. Oui, heureusement qu'elle avait prévu cette lasagne, sinon, cela aurait fini par une commande dans l'un des restaurants avoisinant. « Tu n'as jamais réchauffé de lasagne de ta vie? On ira prendre des cours de cuisine, tu ne peux décidément pas encore survivre comme ça! » Le taquina-t-elle avant de secouer la tête, un sourire toujours amusé fixé au coin des lèvres. « Oui, préchauffe le four à 180°C pendant environ 5 minutes et après tu pourras l'enfourner pour une vingtaine de minutes. » A nouveau, elle regarda autour d'elle, toujours curieuse. « Ta maison est superbe! Alors, tu m'expliques comment tu as fini ici? Je ne pense pas que tu me l'ai encore raconté. »