Happy Hour || Olivia&Jayan

Livvie avait laissé sa fille chez une copine - une pyjama party en pleine semaine, ce qui ne la dérangeait pas tant qu'elle n'était pas le parent devant gérer le réveil et la préparation des enfants avant de les emmener à l'école. Elle avait donc été plus que ravie de laisser Hannah, son doudou et son sac de cours chez Poppy, sachant que sa fille allait passer une bonne soirée.

Sauf qu'en bonne mère célibataire, Olivia n'avait pas grand chose à faire lorsque ses soirées se libéraient au dernier moment. Elle avait prévu de cuisiner des cinammon rolls pour le lendemain, mais aucune utilité si elle était seule. Elle ne petit déjeunerait pas sans Hannah, et ferait sans doute une grasse matinée avant de sauter dans un jean et courir jusqu'à son rendez-vous professionnel en début d'après-midi. Aussi avait-elle fait ce qu'elle faisait toujours quand elle avait inopinément des heures libres : elle s'était rendue au Brews Brother's Pub, siroter quelques bières en mangeant des chips.

« Hey, je peux t'offrir un verre ? »

Elle n'était même pas arrivée au comptoir, qu'on l'abordait déjà. Elle n'était pas totalement contre - ça faisait du bien à l'ego, de se faire draguer, quand on venait de passer près de huit ans à élever un enfant et à se promener avec des traces de peinture sur la joue et des traces inidentifiables sur les vêtements. Mais là, son interlocuteur devait encore être à la fac, et définitivement trop jeune pour elle, même pour quelques heures dans la nuit.

« On en reparlera quand tu auras quelques années de plus » promit-elle en plaisantant.

Elle entendait déjà les rires de ses copains, et comprit vite qu'il avait été mis au défi. Elle lui adressa un sourire compatissant avant d'aller s'écrouler sur l'une des chaises du bar, attendant qu'un des barmaids ne s'intéresse à elle - ce qui ne tarda pas, l'établissement étant assez vide, ce qui n'était pas si étonnant que ça pour un soir de semaine.

« Je prendrais une bière blanche. Si vous en avez de la canadienne, ce sera parfait ! » demanda-t-elle en souriant.

Après deux ans à Ottawa, Livvie avait vite appris qu'il existait des centaines de micro-brasseries au Canada, et elle aimait en commander au hasard, se faisant surprendre par les goûts et les saveurs. Elle n'avait été que rarement déçue, alors elle continuait de se laisser tenter !

Happy Hour

Jay était un être social qui appréciait tout type de compagnie. Cultivé et intelligent, il s'adaptait à n'importe quel public, aussi à l'aise à un diner mondain qu'accoudé à un bar au milieu de la nuit. Acheter le pub avait donc été une évidence, un rêve inconscient enfin réalisé dans lequel il s'investissait corps et âme. Quoi que cet investissement était également un excellent moyen de ne pas trop penser à tout ce qu'il avait perdu en route, ce qui explique aussi le nombre d'heure qu'il y passait sans les compter... Du matin à l'ouverture au petit matin à la fermeture le plus souvent, s'octroyant quand même quelques rares heures de sommeil plus ou moins réparateur et un peu de temps pour aller se défouler en courant ou en se rendant au stand de tir. Pacifiste certes, mais il avait apprit jeune à se servir d'une arme et ça restait un bon moyen d'évacuer sa frustration.

« Swan va un peu mieux oui et son agresseur semble avoir quitté la ville depuis... » Malgré sa situation familiale plus que complexe, Jay avait reprit contact avec son aîné depuis quelques temps ce qui lui redonnait espoir et lui permettait de dormir un peu mieux. « Tu n'y serais pas pour quelque chose par hasard ? »

Malgré les années qu'ils avaient perdu, le père et le fils semblaient à présent ne jamais s'être quittés. Il faut dire que Jay n'avait pas réellement changé depuis et que le lien qui les unissait avait toujours été très fort. L'homme avait d'ailleurs décidé de tout avouer à son fils, incluant son passé dans la mafia Londonienne, sa vendetta secrète qui l'avait forcé à quitter le Canada, le fait qu'il ne reprenne pas contact avec la famille par respect pour la décision de sa femme... Enfin "femme", il était sûrement le seul à se considérer encore marier d'où l'alliance toujours solidement installée à son doigt. Quoi qu'il en soit le jeune homme avait pardonné à son géniteur, lui rendant souvent visite et lui servant de lien avec les autres, grand soulagement pour ce père privé de ce rôle qui lui tenait pourtant tant à cœur à l'époque...  

« Il est toujours en vie si c'est ta question. » Sourit-il à son aîné avec un air innocent. « Disons simplement que je suis aller lui expliquer ce que je pensais de son attitude. »

Ajouta-t-il avec un léger haussement d'épaule et un sourire plein de malice. Pacifiste oui, mais pas quand on touche à sa famille ou à ses amis. Remarque, il n'avait rien fait de mal, juste l'attraper par le col, le soulever du sol et lui faire comprendre avec un ton sec qu'il n'avait pas intérêt à remettre les pieds dans les parages... Peut-être qu'un coup de poing lui avait échappé aussi... Peut-être... Mais n'était-ce pas légèrement mérité ? Quoi qu'il en soit l'agresseur avait bien compris le message, fuyant comme un lâche la queue entre les jambes. Minable.

« Bāp... Et après tu me dis de faire confiance à la justice ! » Fit remarquer le fils avec un air exagérément désespéré. « J'étais flic je te rappelle, du coup c'est un peu moi la justice finalement. »

S'amusa l'indien qui avait gardé sa carrure de policier, toujours large d'épaules et l'air de n'avoir peur de rien. À moins ce que ce soit une carrure de mafieux ? Dans les deux cas Jay en imposait et il savait en profiter, cachant ainsi agilement son cœur en or.

« Bien sûr oui... »

Le taquina son fils bien qu'il ne parvienne pas à cacher la profonde admiration qu'il nourrissait pour son père. Leur conversation -en hindi- tourna néanmoins court quand une jolie blonde entra dans le pub, rapidement abordée par un jeune homme à peine plus vieux que son fils. Ce dernier se prit un vent magistral qu'ils eurent le plaisir d'entendre, échangeant un regard complice et amusé sans pour autant réagir. Installé derrière son bar, Jay surveillait discrètement la réaction de l'interlocuteur de son habituée, prêt à intervenir au cas où cela tourne à l'aigre...  Ce qui n'arriva pas, le garçon n'insista pas, retournant penaud vers ses amis mort de rire.

« Décidément vous faites toujours tourner toutes les têtes. »

S'amusa-t-il en se rapprochant d'elle pour la servir dans un Anglais parfait. Ils se connaissaient sans se connaître à force de se croiser, sans compter que Jay était le genre d'homme à se faire facilement des amis, trait de caractère dont son fils avait hérité bien qu'il décide ce soir de rester dans son coin pour le moment. Comme souvent, il était venu au pub pour discuter avec son père et pour travailler un peu sur ses cours, juste passer du temps avec lui, rattraper un peu le temps perdu... Il lui avait d'ailleurs lancé un signe de tête entendu avant de ressortir son carnet de notes sur lequel il commença à griffonner sans attendre. C'était calme en semaine, pas vraiment idéal pour étudier mais toute de même relativement agréable, surtout que Jay avait sa réputation maintenant : pas de grabuge ici, ou à vos risques et périls !

« Et vous m'insultez mademoiselle ! Bien sûr que j'ai de la bière blanche Canadienne. » Lança-t-il, faussement offusqué derrière un sourire malicieux. « Il me semble que vous aviez pris une Boréale la dernière fois, puis-je vous tenter avec une Blanche de Chambly cette fois ? »

Le propriétaire avait une excellente mémoire ce qui le rendait également très sympathique auprès de la clientèle. Donner l'impression aux gens qu'ils sont importants, mémorables, ce n'est pas grand chose mais ça peut faire beaucoup et il le faisait toujours avec plaisir. Surtout que cette jeune femme lui rappelait un peu Swan au fond... Pratiquement le même âge, élégante et à l'apparence fragile qui cache une force profonde qu'il admirait sans le dire. Swan... S'il savait que le destin allait bientôt la lui rendre d'une bien terrible façon !

Livvie adressa un sourire faussement modeste au barman. Elle n'était pas persuadée que les tentatives de dragues des étudiants puissent être considérée comme "faire tourner toutes les têtes", même si l'idée l'amusait grandement. Après tout, elle vieillissait, et ça faisait toujours plaisir de se dire que des petits jeunes n'avaient pas peur de venir l'aborder. Elle savait comment les faire fuir, en évoquant subtilement sa fille - un avantage dans ce genre de situation, un énorme inconvénient quand l'homme en question l'intéressait vraiment.

« Je sais bien que vous en avez, je viens ici juste pour votre fabuleuse collection » rétorqua-t-elle au patron en souriant.

Loin d'elle l'idée de l'insulter, alors qu'elle savait trouver son plaisir au Brews Brother's Pub. A vingt ans, elle n'aurait juré que par des Heineken ou des 1664, peu chères et plutôt génériques. En vieillissant, elle avait appris à chercher les saveurs, et à laisser ses papilles faire de nouvelles découvertes.

« Blanche de Chambly ? » répéta-t-elle, les syllabes douces glissant sur ses lèvres. « Le nom me tente bien, en tout cas ! Je vais me laisser surprendre. »

Olivia aurait été bien incapable de se souvenir de sa dernière commande, les noms de bière ne restant malheureusement pas imprimés dans sa mémoire. Heureusement que l'Indien dirigeant le bar était plus douée qu'elle à ce petit jeu-là, lui permettant de continuer à goûter de nouvelles boissons.

« Votre fils n'a pas trop de mal à se concentrer, au milieu d'un pub ? » demanda-t-elle tout en regardant le jeune Indien penché sur ce qui ressemblait à des notes de cours.

Elle se souvenait de ses cours à distance, au gré des voyages organisés par son père. Mais elle avait plus souvent travailler au milieu de nulle part, à la lueur des étoiles, qu'au milieu des bâtiments bondés. Quand ils étaient en ville, c'était pour les musées et les sites touristiques, les cours normés oubliés au fond de sa valise. Elle avait aimé grandir comme ça, et se disait qu'une fois qu'Hannah aurait appris les bases à l'école, elles pourraient repartir ensemble sur les routes...

« Quoi qu'il a l'avantage du milieu de semaine... J'imagine que le week-end, il est trop occupé à travailler derrière le bar ? Ou à fuir pour pouvoir se concentrer ! »

Pour être allée au Brews Brother's un samedi soir, elle savait combien la vaste salle pouvait sembler petite, croulant sous les clients. Une ambiance vraiment différente de ce soir de semaine, et elle appréciait les deux atmosphères. Ce soir-là, elle avait certainement besoin de plus de calme, pour réfléchir un peu à ses opportunités de travail en essayant de ne pas trop se prendre la tête.

Happy Hour

Le patron aimait prendre soin de ses clients et travailler sa mémoire faisait partie de ces soins. Se rappeler des commandes, des habitudes, des conversations partagées... Bien sûr, il ne pouvait pas se souvenir de tout mais il avait tout de même un bon disque dur et beaucoup de pratique. Sans compter que le sourire de ses habitués n'avait pas de prix à ses yeux, valant largement l'effort qu'il ne sentait même plus passer à présent. Quant aux compliments ? Ils étaient toujours sincères eux aussi, parfois un peu exagérés peut-être mais inlassablement tinté de vérité. Celui qu'il avait adressé à Olivia par exemple était proche de la réalité car il n'était pas rare que des regards se tournent sur son passage et ce n'était pas la première fois qu'il la voyait se faire aborder. Il faut dire qu'elle était charmante et que son sourire devait effectivement faire vaciller plus d'un cœur. La jeune femme ne nota néanmoins pas sa remarque, le gratifiant d'un sourire faussement modeste qui l'amusa.

« Même pas un peu pour moi ? Voilà que je passe d'offusqué à attristé ! »

La taquina-t-il avec un air plus paternel que séducteur. C'était plus fort que lui là aussi : protéger les autres, agir comme un père ou un grand frère, toujours veiller à leur bien être, s'assurer qu'ils soient détendus et heureux. Barman était donc un métier idéal pour lui, le transformant par magie en psychologue gratuit... Combien de complaintes avait-il entendu en deux ans ? Combien de sourire avait-il redonné ? De conseils aussi ? D'aide même parfois ? Il ne les comptait plus et c'est ce qui lui permettait de passer outre la profonde tristesse qui était ancrée en lui depuis trop longtemps. Une chance quand même que son fils soit de retour dans sa vie, peut-être justement grâce à ses bonnes actions ? Un retour progressif de Karma ? Il l'espérait, ne comptant pas s'arrêter de faire le bien en si bon chemin.

« Vos désirs sont des ordres ! » S'enthousiasma-t-il ensuite, s'empressant d'aller lui servir cette fameuse Blanche de Chambly qu'il lui apporta rapidement. « Alors là c'est un véritable mystère pour moi aussi ! Mais il a toujours eu une incroyable capacité d'abstraction... S'il est concentré sur quelque chose, le monde peut s'écrouler qu'il ne verra rien passer. » S'amusa-t-il, jetant un regard attendrie en direction de son aîné qui, plongé dans ses notes, ne les voyait plus. « C'est vrai que c'est relativement calme en semaine du coup je mets la musique un peu moins fort quand il est là. » Avoua-t-il avec un léger haussement d'épaule. Secret que personne n'avait réellement remarqué mais qui était pourtant flagrant quand on y prêtait attention. « Ce que je ne peux effectivement pas faire le weekend et qui ne l'empêche pas de passer parfois mais plus pour boire un verre avec ses amis, je vous rassure. » Ajouta-t-il, reportant son attention sur la jeune femme, toujours avec un sourire. « Je n'ai pas voulu qu'il travaille, ses études sont trop prenantes et je préfère qu'il puisse s'y consacrer pleinement. Il fait quelques petits boulots par ci par là car il tient à aider la famille mais je tient à ce qu'il profite de sa vie d'étudiant tant que je peux le lui permettre. »

C'était vrai, très récent mais très vrai. Depuis qu'il avait retrouvé son fils, il lui versait de l'argent tous les mois directement afin qu'il puisse aider la famille en se consacrant à ses études. Avant cela, le jeune homme avait fait pas mal de petits boulots, étranglé entre ses études et sa vie de famille compliquée... Une chance que Jay soit de retour, lui offrant un salaire fixe en plus de l'épargne qu'il avait scrupuleusement mise de côté depuis leur naissance. Mieux vaut tard que jamais non ? Et bien qu'il allait être difficile de rattraper le temps perdu, l'homme se donnait beaucoup de mal et ne regrettait pas de le faire. Ses enfants avaient toujours été toute sa vie après tout... Le destin le lui ayant enlevé trop longtemps.

L'air outré de Jayan devant le peu de réactions de Livvie aux tentatives de flirt la fit presque rire. Elle n'était pas stupide, et elle savait que la plupart des hommes qui venaient l'aborder, surtout dans des bars, avaient des idées derrière la tête. Et s'il lui arrivait d'accepter parfois leur compagnie quelques heures, elle savait que ce ne serait jamais plus que ça. Aussi ne prêtait-elle pas trop attention à tout ça. Elle avait dépassé les trente ans et était mère d'une - adorable - petite fille. Même si elle avait adoré les histoires d'un soir, elle aspirait maintenant à plus de stabilité. Quelque chose qu'elle ne pensait pas trouver au comptoir d'un bar, malgré toute la bienveillance du barman.

Ce soir-là, elle n'était venue que pour savourer sa soirée en solo autour d'une bonne bière, et Jayan ne la déçut pas, ramenant une boisson locale qu'elle ne connaissait pas encore. Et comme le bar était plutôt vide, elle put en profiter pour amorcer une discussion avec l'homme.

« Il m'impressionne ! Mon père dit toujours que ma concentration n'existait pas, tellement il suffisait d'un rien pour que je décroche » avoua-t-elle en souriant.

Même très intéressée par un sujet, elle restait toujours à l'écoute de son environnement, et relevait la tête au moindre mouvement imprévu, au moindre petit bruit. En grandissant, elle avait appris à se réguler et à se replonger dans son travail, mais adolescente, elle en avait été incapable. Surtout si elle devait travailler sur des mathématiques ou de la chimie.

« Avoir un père barman doit bien avoir quelques avantages ! Même s'il y a le gros inconvénient de ne pas pouvoir se mettre minable devant vous » répondit-elle aux explications de Jayan.

Livvie avait souvent fait la fermeture des bars, marchant de travers et riant trop fort. Il lui était arrivé quelques fois de vomir tripes et boyaux en rentrant, mais d'une manière générale, elle connaissait plutôt bien ses limites. Une fois, elle avait eu des trous noirs, incapable de se remémorer toute sa soirée. Ça lui avait suffit, et elle avait fait en sorte que ça ne lui arrive plus jamais. Mais vivant en centre-ville, elle avait pris l'habitude de voir les retours des étudiants du vendredi au dimanche matin, et elle savait que certains n'avaient pas le sens de la retenue. Un vrai dommage, et un gâchis d'alcool, si tout devait finir oublié, au fond d'une cuvette de toilette...

« C'est bien que vous puissiez le soutenir pendant qu'il étudie. Ce n'est pas toujours simple d'allier travail universitaire et emploi, même si on est nombreux à ne pas avoir de choix » reprit-elle.

Livvie avait dû travailler pour se payer la fac et ses stages au bout du monde - son père l'aidant en payer son loyer et lui donnant de quoi manger. Elle avait écrit sa thèse dans la cuisine du restaurant italien où elle était serveuse, en grignotant des pizzas commandées mais non récupérées, sous les yeux protecteurs de Claudio et Maria, les propriétaires. Elle en gardait un excellent souvenir, et ne manquait jamais d'aller les voir quand elle passait à New-York.

« Et puis, un bon diplôme lui permettra d'aider plus facilement votre famille qu'un petit job de serveur ! J'espère pouvoir aider ma fille quand elle sera en âge d'aller à l'université, plus que ce que mon père a pu faire. Même si je sais qu'il faisait de son mieux. »

Elle avait déjà commencé à économiser pour Hannah, laissant l'enfant décider de ce qu'elle voudrait, mais s'assurant qu'elle pourrait palier à toute situation. La différence était qu'elle n'avait pas à payer de lourds soins de santé, comme son père avait dû le faire pour sa mère, torpillant leurs économies parce qu'ils n'avaient pas d'autres choix...

Happy Hour

Tout comme son aîné, Jay avait jadis eu une excellente capacité de concentration qui s'était légèrement érodée quand il était devenu père pour la première fois. SUite à cela, le moindre bruit suspect lui faisait relever a tête, tel un lion prêt à défendre sa progéniture. Il faut dire qu'il avait eu de bonnes raisons de rester aux aguets même si elle ne s'étaient manifestées que quinze ans plus tard... Vieux souvenir, c'était derrière eux maintenant, aussi terrible qu'en soient les conséquences.

« Mon cadet est comme vous. »

Répondit-il dans un petit rire face à la réponse de sa cliente. Son cadet a toujours été le moins sérieux, cherchant sans cesse le moyen de fuir les devoirs pour aller s'amuser... Autre souvenir douloureux, nouvelle sensation de compression dans le cœur de l'Indien qui aurait voulu voir ses quatre enfants ici, les voir heureux, ne plus avoir à se cacher... Un jour peut-être, il ne perdait pas espoir.

« Oh je ne pense pas qu'il soit celui que ce détail gêne le plus, il est atrocement sérieux pour son âge ! »

S'amusa-t-il, prenant un air faussement déçu en secouant doucement la tête. Aubin était le plus sérieux depuis l'enfance et ses soirées entre amis ici étaient calmes, se limitant à quelques verres et de franches rigolades. Non pas qu'il s'en plaigne réellement, surtout qu'il le suspectait de faire pire ailleurs mais il n'était clairement pas le fils qui l'inquiétait le plus à ce niveau là.

« Je n'ai pas pu l'aider tout de suite et c'est un gros bosseur mais oui, c'est une chance dont nous sommes tout deux conscients je pense. » Répondit-il, reposant à nouveau un regard tendre sur son fils. « Si ce n'est pas déjà fait, je vous conseille de mettre un peu de côté pour Hannah, même cinq dollars par ci par là, ça passe tellement vite ! »

Il se doutait qu'elle avait déjà prévu, Olivia semblait être une jeune femme intelligente et une mère attentionnée. Ce que sa réponse ne fit que confirmer d'ailleurs.

« En espérant qu'il n'ait plus jamais à nous aider. » Dit-il, baissant les yeux de honte. Si seulement il avait été là... « Malheureusement ce n'est pas toujours facile en effet et nous ne pouvons que faire de notre mieux pour nos enfants, tout comme votre père sans le moindre doute. Il doit d'ailleurs être très fier de vous, vous êtes une jeune femme forte et débrouillarde. Malgré les épreuves vous avez su tirer votre épingle du jeu ce qui est tout à votre honneur. »

Il ne connaissait pas tout de la vie de la blonde mais il en savait assez pour se douter qu'elle n'avait pas eu une vie toute rose bien qu'elle ait sûrement toujours gardé la tête haute. Comme Swan... Sa douce Swan qui lui manquait tant et qu'il admirait beaucoup...

Livvie sourit en entendant le barmaid parler de ses enfants - la fierté qui explosait dans sa voix, la façon dont il semblait vouloir les protéger tout en les laissant être indépendants... Ce qu'elle n'était pas sûre de pouvoir faire quand Hannah serait plus grande. Heureusement que la question ne se posait pas encore vraiment à presque huit ans !

« Vous avez combien d'enfants ? » demanda-t-elle, curieuse.

Au moins deux fils, si elle comptait bien, ce qu'elle trouvait déjà impressionnant. Peut-être parce qu'elle était seule pour élever Hannah, et que tout était donc plus compliqué. Elle n'avait personne à qui passer le relais quand elle était malade ou fatiguée. Et encore, il y avait l'école, ce qui lui permettait d'avoir quelques heures libres dans la journée pour caser tout ce qu'elle avait à faire. Ses horaires libres l'aidaient bien aussi, plus que si elle avait dû être employée dans un bureau ou serveuse.

Mais avoir plusieurs enfants devaient être intéressant. Entendre Jayan parler des différences de caractères de ses enfants était plutôt drôle. Surtout qu'Hannah était une mini-Livvie par le caractère - et tout son opposé physiquement, petite brunette aux yeux foncés. Elles étaient facilement d'accord et avaient la même façon de fonctionner, ce qui simplifiait bien des choses.

« Oh, je mets déjà de côté ! Juste que les universités coûtent chères. Et je ne veux pas avoir à lui dire qu'elle ne peut pas poursuivre son rêve parce que la fac qu'elle veut est hors de nos moyens » expliqua-t-elle quand ils en vinrent au sujet des études supérieures.

Même si elle doutait que sa fille veuille rejoindre une université de l'Ivy League - si tant est qu'elle en ait les capacités, vu les conditions drastiques d'entrée -, mais elle voulait aussi prendre en compte leurs prix. Juste au cas où. Au mieux, Hannah aurait ainsi un petit surplus, pour une voiture ou pour quelques loisirs.

« Je crois que mon père était juste soulagé que je décide de poursuivre mes études après le lycée. Il avait trop peur que j'aille parcourir le monde avec juste un sac à dos et pas un sou en poche ! »

En toute honnêteté, Livvie avait trouvé son attitude un peu trop paternaliste à l'époque. Maintenant qu'elle avait mûri, et surtout depuis qu'elle avait elle-même une fille, elle comprenait un peu mieux. A dix-huit ans, elle n'avait pas perçu combien être une femme pouvait la mettre en danger. Elle s'en rendait mieux compte à trente ans, rien qu'en écoutant les informations.

« Après, je crois qu'il reste surtout toujours inquiet et prêt à venir m'aider dès que je le demande. Et c'est chou ! On vit loin l'un de l'autre, mais ça nous empêche pas d'être proches. »

Elle ne savait pas combien de fois elle l'avait appelé en détresse quand Hannah était petite, parfois au milieu de la nuit. Mais il avait toujours été là pour l'aider, sans jamais la juger, et elle lui en était infiniment reconnaissante.

Happy Hour

Malgré les pointes de douleurs éveillées par le fait de parler de sa famille, Jay n'en montrait rien, gardant un air avenant et souriant en répondant volontiers à la jeune femme qui n'était plus qu'une simple cliente aujourd'hui. Quels que soient ses problèmes, l'Indien n'était pas du genre à partager avec les autres, préférant de loin tout gérer seul tant que c'était possible. Prétendre que tout allait bien, faire comme si de rien n'était, c'était sa spécialité.

« Le ciel nous a bénit de quatre enfants. Même si j'avoue avoir eu parfois du mal à voir cela comme une bénédiction, surtout que trois sont arrivés en même temps... Et surtout à certains moments de leur enfance ! »

Plaisanta-t-il joyeusement, n'ayant pas la moindre intention de mentir sur les faits. Il ne pouvait pas parler de ses dernières années mais il était fier des autres, de l'enfance qu'il leur avait offert en Angleterre puis à Toronto... Il avait été un bon père tant qu'il en avait été un, heureux de ce rôle sacré, assez à l'aise financièrement pour qu'ils ne manquent de rien, la belle époque.

« C'est une sage décision, surtout si elle est aussi brillante que sa mère. » Sourit-il avec une tendresse toute paternelle. « Il serait dommage de lui couper l'herbe sous le pied. »

Ajouta-t-il avec un petit sourire comme pour effacer un peu ce paternalisme injustifié mais incontrôlable qu'il lui arrivait trop souvent d'adopter avec la jeune femme. Il faut dire qu'elle avait presque l'âge de sa propre fille et que cette dernière lui manquait beaucoup... Puis Jay avait toujours été un père dans l'âme, surtout depuis la naissance des garçons.

« Comme je le comprend ! Même si on rêve de vous voir vous épanouir on ne peut qu'être soulagé quand vous le faites sur les sentiers battus, c'est mieux pour nos vieux cœur. »

S'amusa-t-il, pourtant avec sincérité. Être parent n'est pas chose facile et, même si on veut le meilleur pour ses enfants, il n'est pas toujours simple de lâcher prise... Surtout par les temps qui courent, avec tous les dangers qui rôdent, essentiellement pour les jeunes filles malheureusement... Quel monde !

« Vous serez toujours une petite fille à ses yeux, la petite princesse qu'il faut être prêt à secourir même s'il sait que vous êtes capable de vous en sortir seule. C'est plus fort que nous, même si on sait que ça peut vous agacer au plus haut point ! Et je crois même que la distance rend le syndrome encore plus visible parfois... Quand on ne sait pas on imagine le pire. »

Il en savait quelque chose bien que, dans son cas, le pire soit en effet arrivé... Aurait-il pu y faire quelque chose en étant là ? Sûrement, il aurait pu la conseiller, la protéger, coller une racler à ce minable, l'empêcher de nuire à sa fille qui s'était sûrement tournée vers lui en quête désespérée d'attention... Quel père minable, comment osait-il prétendre savoir quoi que ce soit de la paternité aujourd'hui ? De quel droit ! Pourtant il était sincère, c'était réellement sa vision de ce rôle sacré qu'il n'avait pas respecté, que le destin lui avait ôté... Pourrait-il se rattraper un jour ? Il ne pouvait que l'espérer.

« Bonsoir. » Lança soudain la voix de son aîné qu'il n'avait pas vu venir vers eux. Il salua la jeune femme d'un signe de la tête puis ajouta poliment un « Désolé de vous interrompre. » avant de reporter son attention sur son père. « Bāp je vais rentrer, les autres ne vont sûrement pas tarder. »

Dit-il en Hindi, tendant un poing fermé vers son paternel pour lui faire un check rapide qui les amusait beaucoup tous les deux.

« Passe en cuisine prendre de quoi mettre dans le frigo, j'ai fait mettre quelques trucs de côté pour vous. »

Répondit Jay en lui faisant un signe de la tête pour l'inviter à passer par derrière. Le garçon lui lança un regard faussement désespéré avant de secouer la tête et de suivre le chemin indiqué par son père, effectuant donc un arrêt en cuisine dont il ressorti les bras chargé de sac en papier qui humaient bon.

« Quand je vous disais qu'on vous voit toujours comme des bébés... Ce grand machin à beau avoir vingt-six ans j'ai toujours l'impression qu'il en a seize... Voire six parfois mais c'est une autre histoire. »

Seize ans... L'âge qu'ils avaient quand il avait dû les quitter pour les protéger, l'âge où il avait tout perdu... C'était peut-être aussi pour ça qu'il peinait à les voir plus âgé ? Pour cela qu'il avait du mal à les considérer comme des adultes puisqu'il ne les avait pas vu grandir ? Il n'en dit rien, serrant les dents une fois de plus alors que son cœur se serrait lui aussi de culpabilité. Il était fier de ses enfants, fier de ce qu'ils étaient devenu malgré son absence, de leur courage... Mais ils restaient des enfants à ses yeux, des êtres fragiles qu'il se devait de protéger et de chérir comme il n'avait pas pu le faire pendant toute ces années... Mieux vaut tard que jamais non ?

Quatre enfants... Rien que de gérer Hannah épuisait Livvie, alors elle n'osait pas imaginer combien elle serait au bout de sa vie avec trois enfants de plus. Peut-être que c'était plus dur parce qu'elle était seule et n'avait personne à qui passer le relais ou avec qui partager ses inquiétudes. Un point qui ne l'avait pas tant dérangée que ça quand Hannah était bébé - parce que c'était un bébé facile, qui pleurait peu et qui semblait juste contente de pouvoir profiter des pays qu'elles traversaient.

Le problème s'était fait sentir quand elles étaient arrivées à Ottawa et que Hannah avait été confrontée à des familles classiques pour la première fois. Quand elles voyageaient, elles voyaient beaucoup de familles morcelées - des parents célibataires, ou partis travailler dans des pays occidentaux et laissant leurs enfants aux grands-parents. Mais à Ottawa, dans le quartier de classe moyenne qu'elles habitaient, Hannah était un ovni, à n'avoir qu'une mère et aucune idée de qui était son père. Et si Livvie n'avait jamais regretté sa décision de garder sa fille, elle commençait à voir les difficultés de sa situation.

« En tant que mère, j'aurai tendance à dire qu'elle est plus brillante que moi » répondit-elle avec une pointe de fierté dans la voix. « Non pas que je veux qu'elle fasse des études à tout prix. Je veux juste qu'elle trouve sa voie, et que j'ai les moyens de l'aider à atteindre ses objectifs. »

Peut-être que ce serait d'aller à Harvard, ou d'aller construire des écoles en Mongolie... Dans tous les cas, Livvie voulait être sûre d'avoir tout ce qu'il fallait pour aider Hannah, et lui permettre de changer le monde.

« Mon père n'a jamais vraiment suivi les sentiers battus. Il ne devrait pas s'étonner que je fasse de même ! Surtout que c'était plus facile de rester en contact pour moi, que lui à son époque ! »

Il était facile de se connecter à Internet partout dans le monde, dans le moindre McDonalds croisé. Trente ou quarante ans plus tôt, son père devait chercher les téléphones fixes et payer un prix faramineux pour appeler à l'étranger. Maintenant, ils pouvaient se parler tous les jours, même s'ils jonglaient entre les fuseaux horaires pour trouver un temps qui conviennent à tout le monde.

Le fils de Jayan les rejoint, parlant à son père en hindi, et rappelant à Livvie ses souvenirs de l'Inde. Elle n'y était pas resté longtemps, juste de quoi retenir la musicalité de la langue, même si elle n'en parlait pas un mot - la plupart des Indiens parlaient anglais, ce qui lui avait suffi à l'époque.

« Je vois que nourrir ses enfants traversent les cultures ! Je ne peux pas partir de chez mes grands-parents sans tupperwares plein de nourriture. Pourtant on vit dans la même ville et on se voit régulièrement. Mais ma grand-mère semble croire que je vais me laisser mourir de faim avec ma fille » partagea-t-elle en souriant.

Il fallait dire qu'elle cuisinait rarement des plats typiquement canadiens - sa cuisine était pleine d'épices et de recettes grapillées aux quatre coins du monde, quand Hannah et elle ne se décidaient pas plus simplement à juste commander dans l'un des restaurants du quartier. Trop éloigné des habitudes de ses grands-parents pour qu'ils considèrent ça de la vraie cuisine...

« Elle ne veut pas nous voir grandir... Et pourtant, Hannah va avoir huit ans, et je suis loin d'être un bébé ! »

Voir sa fille grandir lui faisait prendre conscience de combien elle vieillissait. Hannah savait lire et écrire, regardait des séries pour adolescents que Livvie désapprouvait, et bientôt il faudrait lui parler d'amour et de fleurs et abeilles - quelque chose pour lequel Olivia était tout sauf prête.

Happy Hour

Jay ne pouvait qu'imaginer la situation de sa jeune cliente, tout comme il ne pouvait qu'imaginer ce qu'avait vécu sa propre famille à son départ. Inutile de dire d'ailleurs qu'il imaginait le pire, ne trouvant que plus admirable Olivia et son épouse qui maintenaient avec grâce le navire à flot... Enfin, "avec grâce" était sûrement assez relatif concernant la mère de ses enfants mais elle avait sans doute fait ce qu'elle pouvait, naviguant dans des flots bien plus agités que la blonde : Quatre enfants à gérer, un seul salaire, peu d'argent, une vie à reconstruire puisqu'elle n'avait rien prit de ce qu'il lui avait laissé... Un souvenir qui serra une fois de plus le cœur de l'Indien qui tentait de gardait son air avenant et insouciant. Bon acteur oui, trop bon sans doute.

« Ah les maman et leur manque cruel d'objectivité ! » La taquina-t-il en secouant doucement la tête. « Après, ce n'est pas pareil pour moi comme j'ai des enfants extraordinaires... » Annonça-t-il avec un haussement d'épaules et un air exagérément sûr de lui avant de replonger son regard vers sa cliente. « En toute objectivité bien sûr. » S'amusa-t-il en lui glissant un clin d'œil complice. Comme s'il avait un jour été objectif concernant ses enfants, surtout lui ! « Quoi qu'il en soit vous avez raison, mieux vaut prévoir large pour ne rien regretter et pour être prêt à tous les scénario. »

Reprit-il plus sérieusement. Il avait toujours agit de la sorte quand il s'agissait de ses enfants. Toujours prévoir le pire pour être sûr de pouvoir gérer, pour être sûr de pouvoir leur donner le meilleur. Le destin avait malheureusement donné un bon gros coup à ses plans mais, sur le papier, tout était parfait et l'avenir des Thakur aurait put être sans encombres. Assez d'argent de côté pour les études et les loisirs, voire même assez pour ouvrir quelque chose à leur nom ou prendre une année sabbatique... Il avait tout prévu à part ses vieux démons, quel naïf.

« C'est vrai que nous avons beaucoup de chance aujourd'hui avec tous les progrès technologiques. Les distances n'ont plus réellement d'importance et les moyens de communication ou de transports nous facilitent grandement la vie ! Je me souviens quand j'ai rencontré ma femme, elle était obligée de se rendre dans des cabines téléphonique pour appeler ses parents et nous ne pouvions passer que par courrier le reste du temps. J'ai presque l'impression que c'était la préhistoire tellement les choses ont changé rapidement. »

Jay s'émerveillait toujours des miracles de la technologie qu'il avait apprit à maitriser rapidement pour être plus efficace dans son ancien travail. Utiliser les réseaux, les recherches, le dark web même, la programmation... Il n'avait pas eu le choix mais heureusement qu'il apprenait vite ! Bien qu'il ait sans doute beaucoup de retard maintenant qu'il ne s'en servait plus autant et avec la vitesse d'évolution des choses. Et en parlant d'évolution, son fils partait déjà, lui rappelant au passage à quel point il avait grandit rapidement... Ah les enfants !

« Je pense aussi oui. » Sourit-il alors qu'il regardait avec tendresse son fils quitter le bar les bras chargés de sacs de nourriture. « Et on ne sait jamais ! De nos jours vous êtes tous tellement occupés à faire des tas de trucs que manger pourrait être secondaire ! Mieux vaut prévenir que guérir comme on dit. »

S'amusa-t-il à nouveau après avoir reporté son attention sur la jeune femme. Il exagéré un peu même s'il savait que les jeunes (et surtout ses enfants) ne prenaient plus le temps de manger correctement, à table et à heure fixe. En plus de cela, ses enfants n'avaient pas les moyens de se payer à manger mais, ça, c'était une toute autre histoire... Histoire qui le faisait grandement culpabiliser d'ailleurs et qu'il était heureux de pouvoir corriger doucement mais sûrement.

« Vous êtes toujours des bébés à nos yeux. » Avoua-t-il avec un léger soupir presque désespéré. « Peut-être aussi parce qu'on ne veut pas vieillir nous même ? »

Ajouta-t-il avec un autre haussement d'épaules et un sourire en coin. Jay portait bien son âge et il n'en avait pas honte mais, il faut l'avouer, admettre l'âge de ses enfants lui rappelait le sien qui approchait aujourd'hui dangereusement des cinquante que beaucoup redoutaient. Pour sa part, il restait persuadé que l'âge était dans la tête et qu'il n'affectait pas trop un esprit sain dans un corps sain. En bon Hindou, lui même avait un corps sain, essentiellement nourrit d'aliment végétarien et de bonne qualité... Un peu d'alcool quand même, peut-être un peu trop mais il faisait quand même attention et faisait beaucoup de sport à côté en plus de son travail acharné. Bref, pas grand chose à se reprocher et c'était visible, même au travers de sa chemise relativement près du corps.

« Huit ans... Je crois que c'est l'âge que j'ai préféré chez mes enfants. Encore jeunes et innocents mais déjà curieux et intéressés. Je ne sais pas pour Hannah mais les miens étaient très bavards à ce moment de leur vie, toujours à vouloir tout savoir, à vouloir tout comprendre. Un peu turbulents parfois, infatigables aussi mais c'était magique. Je pense d'ailleurs que j'ai beaucoup apprit d'eux à ce moment là, cette capacité à s'émerveiller de tout, à voir le côté positif des choses et des gens, cette candeur... Si tous les adultes pouvaient être aussi purs le monde serait bien moins sombre. » Avoua-t-il non sans une certaine nostalgie dans le regard. Il avait aussi aimé cette période car ils étaient unis et heureux... Que ça semblait loin bien qu'il s'en rappelle comme si c'était la veille. « Il faut chérir ses moments, ils passent bien trop vite. »

Conclut-il, ne pouvant retenir un petit sourire un peu triste. Par chance, cela pouvait passer pour la simple nostalgie d'un papa gâteau qui attendait avec impatience d'être papi même si ce n'était pas réellement son cas... Protecteur ? Un peu oui... Et à plus forte raison maintenant que tous ces malheurs étaient arrivés par sa faute... Garce à celles qui allaient approcher ses fils et encore plus à celui qui allait toucher à sa fille !