Where is my mind ? - Logan Wilson

« Excusez-moi mademoiselle... » soupire distraitement Logan en se pinçant l’arête du nez, sentant une fulgurante migraine se propager à la base de ses yeux « J’ai bien conscience que vous ne faîtes que votre travail, je l’entends je le respecte... » il esquissa de vagues moulinets avec son poignet en parlant à la jeune interne face à lui, optant pour un ton calme et mesuré qu’il a pour habitude d’employer avec ses clients. Notamment dans les rares cas où il se doit de faire bonne figure, ne pas se laisser emporter par ses émotions ou même dépasser par la forte pression. Sauf qu’il ne s’agit pas là d’un simple gros contrat à plusieurs milliers de dollars qui est en jeu, mais la santé de son fils. Le cœur lourd et la gorge sèche, Logan tente tant bien que mal de ne pas imploser de l’intérieur, s’efforçant de rester polis envers le personnel qui vient lui apporter des nouvelles.  

« Mais vous comprenez bien que juste me dire “ il ira bientôt mieux " n’est pas suffisant. C'est quand bientôt ? Deux semaines ? Peut-être trois ? Vous n’pouvez pas... » il dépasse les bornes, murmurant un peu trop fort ces derniers mots entre ces dents, presque menaçant. La culpabilité l’assaille instantanément, il se reprends et ferme les yeux en roulant des épaules. La pauvre infirmière ne mérite pas autant de cruauté, elle n’est pas responsable de l’état du garçon. Pourtant c’est plus fort que lui, il est à fleur de peau depuis qu’il a appris pour l’accident, ses émotions oscillants entre l’angoisse et la crainte. Le père de famille inspire puis expire plusieurs fois avant de secouer la tête, contemplant ses chaussures d’un air accablé sans oser croiser le regard de la jeune fille. Peut-être par peur de reconnaître l’angoisse de la jeune Swan à travers ses yeux ? À quel moment exactement est-il devenu un monstre sans cœurs ?

Depuis que la femme de sa vie n’est plus de ce monde.

« Vous ne pouvez pas me l’enlever lui aussi... » murmure-t-il pour clôturer sa phrase, plus pour lui-même, presque honteux de l’avouer à voix haute. Démuni, l’homme se détourne de son interlocutrice en poursuivant sa route jusqu’aux distributeurs automatiques, là où il devait se rendre avant d’intercepter la jeune interne. Nathan n’est pas mort, il est même bien en vie et réveillé même si les séquelles de son accident restent préoccupantes. Pour autant, Logan ne pouvait s’empêcher d'avoir peur pour son fils de cœur, terrorisé à l’idée de le perdre comme il a perdu sa mère.  

Tel un automate sans émotions, il glisse une pièce dans la machine et regarde le breuvage sombre couler dans le gobelet sans vraiment le voir, l’estomac en vrac. L’idée même d’avaler quelque chose, solide ou liquide, lui donne des aigreurs qu’il ne peut pas ignorer. Le poids de sa propre culpabilité qui le fait souffrir intérieurement ? Attrapant le gobelet qui lui brûle les doigts, il pense au regard angoissé de la pauvre gamine, ce même regard qui lui rappelait celui de Swan quand il est venu la terroriser au Brew Brother Pub. Effrayée et tremblante comme une biche prise dans les fards d’une voiture... Bien conscient que sa relation avec Nate est au point mort, il n’est pas fier. Il n’est pas fier comme lorsqu'il use de stratégies malsaines pour convaincre des clients difficiles, il est même un peu... Gêné ? Difficile à expliquer, quelque chose cloche et ça ne date pas d’hier. Rien que son entrevu avec Jayan Thakur avait suffi pour bousculer ses opinions, se remettre en question sur ses agissements. Au point qu’il est allé trouver Layla pour répondre aux questions existentielles qui le taraudent...

Depuis, l’homme d’affaire enchaîne les nuits blanches et les doutes, spectateur impuissant face à son jeune fils au cœur pur qui souffrait par sa faute.  
Logan traîne longtemps la patte la salle d’attente, son café à la main qu’il bois du bout des lèvres, se torturant de pensées malsaines vis-à-vis de Swan et Nathan, passant distraitement vers la cafétéria pour prendre une bouteille de soda sans bulles pour ce dernier avant de rejoindre sa chambre.  

Le Logan d’avant aurait été plus vigilant, prenant le temps d’écouter à la porte avant de faire intrusion dans la chambre. Peut-être se serait-il encore monté la tête en écoutant les propos de la jeune Ela Kapoor ? Peut-être aurait-il trouvé une brèche pour accuser Swan de ne pas être au chevet du garçon alors qu’il est au plus mal. L’ancien Logan était vigilant pour sa famille, un peu trop même pour assurer sa sécurité, de peur que celle-ci ne se désintègre. De peur d’être seul et abandonner. De peur de ressentir encore cette vive douleur dans sa poitrine, comme lorsqu’il a perdu sa femme. Ce besoin de maintenir l’équilibre finira par le perdre...

En attendant, il ouvre naïvement la porte et tombe sur la jeune Kapoor.  
“ La ville d’Ottawa héberge une grande communauté Indienne ” songe distraitement Logan en esquissant un sourire absent, trop préoccupé par lui-même pour penser à revêtir son aura autoritaire auprès de la demoiselle.

« Ela je te présente Logan, mon père. Logan, voici Ela, une amie de Swan. » son cœur se serre en entendant les paroles de Nathan, encore touché après toutes ses années qu’il le considère comme un père. Une relation qui a mal démarré et qui risque de mal finir... Le père de famille salue la belle Indienne d’un mouvement de tête polis en posant son café sur la table prêt de la chaise qu’occupait la demoiselle. Honteux de faire face à ses démons, il préfère garder le silence et faire comme si de rien était. Histoire de masquer son trouble, il ébouriffe tendrement les cheveux châtains de son fils avant de s’asseoir, plus épuisé qu’il ne l’imaginait

« Heureuse de faire votre connaissance Logan et désolée de vous avoir déranger. » sans un mot, il secoue la tête et se contente d'admirer la vue par la petite fenêtre de la chambre désinfecté. Que lui arrive-t-il ? Lui qui aimait jouer les mâles Alpha et s’imposer dans de beaux costumes trois pièces, il n’est à présent plus que l’ombre de lui-même dans son jogging et t-shirt sombre, le regard fuyant et légèrement humides. La douleur d’un père qui prend conscience de pas mal de choses ? Que dirait la mère de Nathan ?  

« Je te laisse entre de bonnes mains donc. Je t'ai envoyé un texto pour que tu puisses avoir mon numéro en cas de problème, n'hésites pas. » les sourcils de Logan se froncent d’étonnement, mais il ne pipe mot. Ela est-t-elle au courant de quelque chose vis-à-vis de lui ? Certainement. Est-elle venue informer Nathan de ses agissements en pensant qu’il était au courant ? Le doute le ronge et lui pétrifie le sang. Qu’est-ce qu’il lui a pris de mêler Nathan à toutes ces histoires ? Au départ ça semblait évident, un plan parfait sans failles. À présent, la culpabilité et les investigations de la jeune Indienne suffisent à faire douter le père de famille. Sans compter l’accident du garçon... trop d’inconnus dans cet imbroglio assommant...

« Swan a eu un stage de danse et à demander à Ela de veiller sur mon en son absence. C'est vraiment génial pour elle, si tu l'avais vu danser, elle est merveilleuse. »

Pour la première fois depuis qu’il a posé les pieds dans cette chambre, Logan pose les yeux sur son fils adoptif. Son innocence le touche, il semble totalement déconnecté de la réalité et heureux dans cette vérité qu’on lui a servis sur un plateau d’argent. Qu’importe finalement, le sourire qui anime le visage tuméfié de Nathan est une petite victoire pour Logan qui souris à son tour. Son visage semble engourdis à force d’être tendu par le stress...

« Tu sembles beaucoup l’aimer, je me trompe ? » questionne d’une voix clair Logan en servant la boisson sucrée dans un verre propre à l’intention du jeune homme. « Ou c’est la magie des anti-douleurs peut-être ? » hasarde-t-il en positionnant le verre de sorte à ce qu’il soit assez proche pour qu’il puisse l’attraper tout seul. « Je crois que la dernière fois que je t’ai vue dans cet état pour une fille... » il fait mine de réfléchir avant de secouer la tête en pouffant de rire « … ça semble si loin pour moi. J’oserais dire le lycée mais pour moi c’est comme si tu étais diplômé depuis hier seulement. »

Logan se surprends constamment à être nostalgique de cette époque où il a rencontré Nathan, même si ce n'était pas le grand amour entre les deux hommes. Une relation qui est née d’une haine partagée avant de se transformer petit à petit, notamment grâce à sa mère et ses merveilleux conseils. Même si ce n'était pas facile, Logan donnerait tout pour revivre ces moments...

« J’étais un peu cruel avec toi... » admet-il après un bref silence. Cruel à l’époque et de nos jours encore, même s'il ne sait pas encore vraiment pourquoi... « Je sais que je te taquinais souvent sur tes façons d’être avec les filles, ta mère ne supportait pas. Tu étais son petit trésor. Moi je ne supportais pas de te voir prendre des râteaux et pleurer. Chacun son tour. Je voulais prévenir plutôt que guérir, mais je ne savais pas m’y prendre... »

Autant il ne se confiait pas souvent, autant aujourd’hui la confession est fluide et sincère. Le regard en biais, il souris d’un air timide comme Nathan fait souvent, rougissant d’ainsi s’exposer auprès de ce dernier.  

Logan & Nathan

Logan est un homme comme les autres, il enchaîne les erreurs, accumule les défauts, se renfrogne parfois quand on ne va pas dans son sens, un peu coq sur les bords voir même vicelard. Oui, Logan n’est pas lambda ou particulier, il est juste un standard mal exploité, celui d’un père de famille abandonné. Comment lui reprocher ses faux pas ? Lui qui voulait juste aimer sans se soucier du reste, il a dû apprendre à devenir père avec tout ce que ce rôle implique : faire la police, être dur parfois cruel, se répéter sans cesse, et parfois... parfois reconnaître ses torts. Mais comment se repentir quand on sait que les aveux du père de famille risque de détruire le jeune Nathan ? Lui qui a tant de fois manigancer pour l’éloigner de Swan, voilà qu’il venait de l’envoyer dans un lit d’hôpital. Comment mériter son pardon en ayant conscience de ne pas le mériter ?

Le doute assaille le quarantenaire alors qu’il s’affale sur une des chaises à proximité du lit du garçon. Son corps ne lui a jamais paru si lourd, comme s’il portait le poids de sa culpabilité sur ses épaules. Si Layla était là, elle se moquerait de lui et de son air de Caliméro sous extasie. Et il n’aurait même pas la force de la contredire, trop épuisé pour avoir quoi que ce soit en tête, même une réplique acerbe dont il a le secret d’ordinaire. Serait-ce la fin de Logan le grand ? Celui qui se cache derrière un masque de fer et qui protège les autres de ses sentiments ? Lui qui pensait qu’être émotif était une forme de faiblesse, le voici au bord des larmes sans oser croiser le regard de Nate.

« Peut-être un peu les deux ? » l’homme accueil cet aveux d’un bref hochement de tête en balayant la chambre du regard, toujours en évitant soigneusement de croiser le siens. Allez savoir pourquoi, mais l’entendre aussi serein vis-à-vis de Swan n’avait plus rien d’effrayant ou de révoltant pour le père. Comme s’il s’était... ” habitué “ et ne voulait plus lutter. Comment pourrait-il séparer Roméo de sa Juliette ? Contrairement au héros de Shakespeare, Nathan n’avait fait que frôler la mort et c'était une claque dont Logan se souviendrait, faisant changer ses positions sur la situation de manière assez radicale. « Je crois que c'était plus de la naïveté à l'époque mais ça devait en effet être dans ces eaux-là oui. » au souvenir de la première relation sérieuse de Nathan, Logan ne put s’empêcher de froncer des sourcils exaspérés. Le père de famille n’a jamais été très fan des filles qui trainaient autour de Nathan, tantôt trop simplettes tantôt trop mesquines, elles n’étaient jamais assez bien pour le garçon. En tout cas, pas à ses yeux, et il le faisait savoir... ce qui avait le don d’énerver madame. Comme s’il avait un don pour saboter les relations de son fils de cœur, un perpétuel recommencement...

« Naïveté ? » un ricanement proche de l’éternuement secoue les épaules de l’homme « Tu es désespéré d’être aimé et tu avais tendance à sauter sur la première qui te faisait les yeux doux oui ! » se moque-t-il gentiment avant de se reprendre, son sourire se fane. Mauvaise habitude que de lui rappeler ses échecs, de lui dire à quel point ses choix sentimentaux étaient... pauvres. « Désolé, j’voulais pas dire ça. Disons que... on est tous en quête du grand amour à un moment donné, c’est normal de... le chercher ? » son laïus de papa modèle ressemble plus à une phrase philosophique tiré d’un gâteau de la chance chinois, mais qu'importe ? il faisait des efforts pour Nathan. Des efforts pour comprendre ses sentiments. Qu'avait-il à reprocher à Swan ? Si ce n’est son talent pour attirer Nathan dans des rixes de rue ou des états proche du désespoir suicidaire ? Et si tout cela n’était qu’un malheureux quiproquo ? Tout est possible dans cette vie improbable...

« Tu n'étais pas cruel, maladroit peut-être mais c'était pour mon bien et j'aurais sûrement moins souffert si je t'avais écouté. » s'il savait, il n’aurait pas ce discours de grand sage envers lui. Son cœur se fêle un peu plus, il n’ose toujours pas le regarder de peur qu’il lise la vérité dans ses yeux. Il a besoin de contrôler le peu de situation qui ne lui file pas entre les doigts, de pouvoir se livrer de lui-même sans que ça ne vienne d’un élément extérieur. Il avait besoin d’apaiser son âme et lui seul le pouvait. « Non, tu as bien fait de ne pas m’écouter... » souffle-t-il après un bref silence apaisant. « Je n'aurais pas supporté que tu deviennes comme moi. J'aime voir ta mère à travers tes yeux... » sa candeur galvanisante, son optimiste et cette étincelle au fond du regard, il tenait tout de sa défunte mère et Logan ne voulais pas la voir disparaître une seconde fois. Elle l’a façonné à son image, l’encourageant à rêver et s’ouvrir au monde alors que lui le trouvais trop fragile pour ce monde cruel. Quel putain d’imbécile.  

« Puis je n'ai pas aidé, j'aurais dû avoir confiance en l'amour que maman te portais au lieu de te voir comme un voleur. » un bref sourire sans joie se glisse sur le visage de Logan, touché par ses paroles si profondes. C'était bien la première fois qu’ils se confiaient ainsi, timidement et sans oser se regarder l’un l’autre, pudiques de sentiments qu’ils refoulaient depuis tant d’années. « C'est la loi des séries ça... le petit garçon qui déteste le nouveau mari de sa maman. Un classique. Je te rassure... à ta place je n’aurais pas pu me pifer non plus. » Logan n’était pas un enfant du divorce, c’était pire que ça : il était le fils d’un père à son image. Et ça n’avait rien d’envieux... rustre, dur et parfois cruel, il a transmis ce qu’il y a de pire en lui pour Logan. Heureusement que sa maman était une femme formidable en contrepartie...

Logan, ne faisait que répéter les erreurs de son père... boucle éternelle qu’il voulait briser à tout prix.

« Désolé, je crois effectivement que toutes ces drogues sont un peu trop fortes pour moi... » le cœur gonflé par un semblant de courage, Logan plante ses yeux tristes dans ceux de Nate. Le pauvre homme transpire la douleur par tous les pores, surtout en voyant plus nettement les blessures qui strient le visage du pauvre garçon.

« Nate... j’ai fait une connerie et je m’en veux. Terriblement... » il dégluti avec peine, souffrant de devoir soutenir son regard. Mais cette fois-ci, c’est trop tard, il avait commencé il ne pouvait plus fuir. Désireux d’en finir au plus vite avec ce poids toxique qu’il traîne depuis le premier jour, depuis qu’il a passé la porte du Brew Brother Pub, il enchaîne sans laisser le temps à Nathan de l’interroger. « J’ai poussé Swan à rompre avec toi. Je lui ai fait peur, j’ai... je pensais qu’elle te voulait du mal et je devais arrêter ça. Je pensais savoir ce que je faisais alors je suis allez la voir à son travail et je l’ai terrorisée, m’arrangeant pour... enfin... malgré moi pour qu’elle te laisse tranquille. Je pensais gérer la situation, je pensais qu’elle n’était qu’une passe dans ta vie... mais j’ai perdu le contrôle. Et tu n’imagines pas à quel point je regrette... » son aveux ne fut pas aussi libérateur qu’il l’espérait. Au contraire, attendre la réaction redoutée de son fils était encore pire que n’importe quelle vérité. Il était prêt aux reproches, aux larmes, aux insultes, prêt à le laisser vivre sa vie si ça lui permettait de lui pardonner. Il serait prêt à retrouver Swan et lui dire la vérité, quitte à ce que les Indiens lui botte le cul...

Il était prêt aux conséquences de ses actes infâmes.  

Logan & Nathan

Logan était encore un père en devenir malgré l'âge de Nathan et les années qui ne cessent s’écouler depuis leur première rencontre. Cette dernière avait été chargé de maladresse et de pudeur de la part de l’homme qui s’en voulait intérieurement de s’imposer ainsi dans cette famille brisée. « Hey... tout ira bien, ok ? » lui avait susurrer sa défunte épouse avant qu’il ne se confronte à l’adolescent. Sentant sa gêne et sa désapprobation, elle l’avait pris à part avant pour faire ce qu’elle faisait de mieux : le sauver de la noyade. « Il va t’adorer. Presque autant que moi je t’adore » Son sourire aurait pu suffire à le convaincre s’il n’avait pas été mal dans ses pompes. Lui, ce grand dadet à la barbe de trois jours et aux mocassins en cuir qui couinent à chacun de ses pas, effrayé par un gamin qui n’avait même pas encore atteint l'âge de la puberté. Tétanisé, il se souvient avoir souris en se balançant d’une jambe à l’autre aux paroles de sa bien-aimé, gêné qu’elle le voie dans cette posture de petit animal fragile. Lui qui semblait toujours fière, prêt à soulever des montagnes et décrocher la lune, il n’était que l’ombre de soi-même et parvenait difficilement à le cacher face à cette femme qui semblait lire en lui comme dans un livre. Elle le connaissait par cœur et sa patience était d’or, il ne lui en remercierait jamais assez. « Et dans combien de temps... ? » avait-il soufflé sur un ton mi-sincère mi-ironique en reboutonnant sa veste de costard Armani. Comme s’il se doutait que ça allait prendre du temps...
Bien des mois se sont écoulés avant que la dame Carter ne daigne le regarder, des mois encore avant qu’il n’ose lui parler et l’inviter. Si la belle aux yeux clairs était un modèle de patience et de vertu, en était-il de même pour son fils ? Intérieurement, Logan savait que sa relation avec Nathan était vouée à l’échec, ou du moins qu’il allait devoir sortir les rames comme il l’a fait avec sa mère auparavant. Ce n’est qu’après sa mort que les deux hommes se sont rapproché et trouvés des points communs bien enfouis...

« Oh tu n'as pas à être désolé, ce n'est que trop vrai... » Logan dodeline de la tête et se jure intérieurement de trouver de meilleurs mots à l'avenir quand il voudra s’adresser à Nathan. Il en a marre de jouer les insensibles et distribuer des répliques cinglantes... « Une chance qu'elle n'ait jamais été trop nombreuses à me courir après. » Il ne lui avouera jamais, mais Logan était content aussi que Nathan ne soit pas un bourreau des cœurs, malgré les plaisanteries mal venues du jeune père de famille. « Ne m’en parle pas... je me rappelle qu’il y avait une fille, ne me demande pas de dire son prénom je l’ai totalement oublié... » il se tapota quand même frénétiquement le front pour essayer de s’en rappeler « Le jour où elle est venue à la maison, bonté divine... ta mère était aux petits soins pour elle. Je crois qu’elle avait dépensé la moitié de son salaire dans un brunch abondant pour l’impressionner... » Lui n’avait fait que la dévisager de ses yeux perçants en buvant de longues gorgées de café serré. « Dieu soit loué on n'en a pas vue passer beaucoup, on serait ruiné à l’heure qu’il est ! » il préférait plaisanter pour dédramatiser la situation. Certes, Nate n’était pas un séducteur né, mais c’était mieux ainsi... Logan ne voulait pas une pâle copie de lui dénuer d’âme. « Je suis sûr qu'elle aurait adoré Swan... » il murmura près un doux silence. Lui aussi aurait pu la connaitre s’il ne l’avait pas jugé indigne de son fils aussi rapidement...

« Je n'aurais jamais eu assez de charisme pour te ressembler. » fut un temps encore trop proche, Logan aurait accueillis ce compliment par une démonstration de virilité et de sarcasme dont il avait le secret. Mais pas aujourd’hui. Aujourd'hui il était bien trop heureux de voir son fils en vie et plaisantant avec lui. En souriant tendrement, il balaya ses paroles d’un simple geste de la main, mais se jura mentalement de lui flanquer dans les dents dès le lendemain. Logan était toujours Logan au fond, on ne change pas un roc ainsi en seulement une journée... Du moins, si Nathan trouve le courage de lui pardonner après ce qu’il compte lui annoncer.

« J'aime même à penser que tu aurais été plus virulent encore... » l’espace d’une seconde, Logan s’imagina à la place de Nate : sa propre mère refaire sa vie avec un riche et sexy homme d’affaire aussi beau que sympathique... ? Ça semble trop idylle dans l’esprit du père de famille qui préfère ne pas penser aux innombrables défauts qui le précède. Il n’avait jamais fait d’effort pour cacher son égocentrisme et son côté âne bâté, il regrette aujourd’hui d’avoir montré cette facette de sa personnalité à Nathan. Il n’est jamais trop tard ? « Virulent peut-être pas. Mais si j’avais appelé mon père au beau milieu de la nuit pour venir me chercher à la sortie d’un bar après une rixe particulièrement violente... je pense que j’aurais passé la nuit dehors sur un banc. » dit-il avec un sourire malicieux en faisant référence à cette nuit de cauchemar où le pauvre homme a dû accueillir son fils dans un état lamentable. Cette même nuit où il a jugé Swan responsable de bien des malheurs... « Et ce, même pour sauver la vie d'une demoiselle en détresse ! » Logan avait fait preuve d’une douceur et d’une présence telle ce soir-là qu’il s’était étonné lui-même. Il était fier de Nathan, même s'il ne lui avait jamais dit : savoir qu’il était capable de défendre sa bien aimé contre un fou dangereux le rassurait, même s'il détestait savoir qu’il se mettait en danger. Il ne mentait pas en disant que son père n’aurait même pas pris la peine de sortir de son lit à sa place, triste réalité qui a fait de lui l’homme froid et (presque) insensible qu’il est aujourd’hui.  

Et c’est grâce à l'amour profond qu'il porte envers Nathan qu'il lui doit la vérité. S'expier de ses fautes, espérer un nouveau départ et devenir un homme meilleur. Même s'il sacrifie leur complicité, qu’il perd Nathan à jamais... c’est son devoir. Il détient une part de l’énigme et il sait que Nathan ne pourra jamais se reconstruire sans savoir cela. La panique semble gagner le jeune homme et les machines s’emballent, Logan hésite même à appeler l’infirmière pour vérifier la tension du jeune homme qui semble chercher dans les tréfonds de sa mémoire effacée.  

« C'est... Mais ... Je ne sais pas je... Je crois que c'est passé. » les sourcils de Logan se froncent légèrement, encore plus inquiet de l’état de son fils. Ce pourrait-il qu’il soit loupé quelque chose ? Durant ces longs mois de convalescence à tenter de consoler son cœur brisé, se serait-il réconcilié avec la belle indienne sans en faire part à son père ? Ce serait étonnant... non, impossible. Cet incident est une preuve supplémentaire qui ne permet aucuns doutes. « Nous... Nous n'avons pas rompu elle a... Nous avons sûrement parlé et elle a sans doute compris... » voyant ses craintes se confirmer, Logan ferma un instant les yeux et se frotta l’arête du nez au creux de ses sourcils joints. Le déni. Il aurait dû sans douter. Mais que faire à présent ? Jouer le jeu et le complaire dans son délire pour apaiser son affolement ? Ou vider son sac et lui donner les clés pour reconstruire sa relation ? Endosser le rôle du grand méchant loup à la vue de tous ? « J'ai dû lui expliquer ou... Ou quelqu'un d'autre ? » La présence d’Ela fait sens dans l’esprit de Logan à présent. Elle était venue pour rassurer le jeune homme, pour qu’il ne s’inquiète pas. Mais alors... qu’en était-il de Swan ? Était-elle revenue sur sa décision ? Si c’était le cas, elle serait présente non ? Malgré son sourire d’imbécile heureux sur le visage du garçon, Logan ne peut cacher sa perplexité. Tout ceci n’avait aucun sens...  

« Elle n'aurait pas été là à mon réveil et elle n'aurait pas demandé à Ela de veiller sur moi sinon, tu n'as pas à t'en vouloir, c'est passé. » Effectivement, à la place de Nathan, Logan aussi serait perdu. Comment lui en vouloir ? Le choc a dû être tel qu'il ne se rend pas compte de l'absurdité de ses propos. Les rouages du cerveau de Logan tournent à plusieurs centaines de miles à l’heure pour comprendre cet imbroglio. Swan semble plus buter que son père, pour le peu qu’il ait eu à discuter avec lui, s'ils s’étaient réconciliés... pourquoi l’avoir fait mariner durant trois longs mois dans la détresse la plus absolue ? Swan serait-elle vraiment vile et mesquine comme il en doutait au départ ? Comment expliquer qu’elle se soit trouvée ici à son réveil et qu’elle ait disparue depuis ? Un stage de danse... ? Réalité ou énième mensonge... ? La peur et la colère se mêle dans le cœur du pauvre homme qui déteste voir son fils ne pas être aimé comme il aurait dû l’être.

« Peut-être bien... » admet-il après un bref haussement d’épaules. « Peut-être qu'effectivement, vous vous êtes réconciliés... je ne sais pas. Tu... tu étais désespéré et tu pleurais souvent même, jusqu’à... jusqu’à il y a une semaine du moins. » il déglutit, mal à l’aise mais toujours sur cette voie de l’expiation. « J'ai... j’ai toujours jugé Swan responsable de tes malheurs. Je n’en pouvais plus de te voir ramper à ses pieds et de te retrouver aux urgences ou sanglotant comme un chien abandonner. Je... je suis allez la trouver à ce fameux bar où elle travaillait, j’ai... j’ai essayé de lui faire avouer qu’elle n’en avait après toi que pour ton argent et pour te faire souffrir. Elle semblait... trop à l’aise avec les gens, comme si elle jouait de ses charmes pour obtenir ce qu’elle voulait : un sourire, des consommations gratuites, des pourboires en plus... je... » honteux, Logan décida de continuer sa tirade en détournant les yeux. « Je l’ai fait pleurer. Je l’ai accusé devant son propre père d’être un chat noir, une malédiction qui avait trouvé sa proie. Comment m’en vouloir ? Tu étais si malheureux sans t’en rendre compte. Je devais agir pour te sauver, comme j’aurais dû le faire pour les précédentes... » le rouge lui monta aux joues pour la première fois de sa vie. « Pour être sûr qu’elle ne te cherche pas des malheurs à nouveau, j’ai dit à son père que tu étais au courant de mes tentatives. Que tu approuvais cette façon de faire... je regrette tellement, je n’aurais pas dû te mêler à ça mais... mais tu comprends ? Je ne pouvais pas faire autrement. » Si seulement Logan savait que Swan avait déjà parlé de lui à Nathan sans savoir que c’était son père... quelle effroyable catastrophe.

« Je... elle avait emménagé chez toi et, pendant que tu travaillais, elle a fait ses affaires et est partie. Tu étais si malheureux, si désemparé... anéantis. » les larmes montèrent aux yeux du père de famille qui dû se faire violence pour ne pas les laisser couler. « Je... je ne sais pas si vous vous êtes réconciliés et honnêtement je te le souhaite de tout cœur. Tout ce que je sais, c’est que tu te rendais au bar où elle travaille avant cet incident... » la main proche du petit boitier pour appeler l’infirmière, Logan leva les yeux vers Nathan pour jauger sa réaction. 

Logan & Nathan

Logan était quelqu’un de plutôt mélancolique. Souvent, il se surprenait à rêvasser, songeant à une période de sa vie où il était fou de bonheur, bien entouré. Une période de sa vie qui fut bien trop courte, bien trop rapide, il se disait souvent que si c’était à refaire, il profiterait de chaque seconde, chaque instant de plus à ses côtés. Logan n’était pas croyant, pourtant il donnerait n’importe quoi pour revenir en arrière, profiter un instant de plus du doux parfum de sa femme, de son sourire mutin et de ses yeux éclatants. Il graverait dans sa mémoire l’intensité de son regard pour qu’il l’accompagne dans ses nuits au sommeil agité par le chagrin. S’il pouvait, il deviendrait une meilleure version de lui-même, en finirait avec les mensonges et les tricheries. Il se repentirait et deviendrait un enfant de cœur si dieu lui accordait cette faveur. Mais ses prières silencieuses resteront toujours sans réponses, obligeant le pauvre homme à se noyer dans ses remords et son aigreur. Mais ça n’avait pas la moindre importance, tant que ça n’atteignait pas Nathan qu’il tentait de protéger... à sa manière.  

« Même la reine d'Angleterre n’aurait pas été mieux accueillie... » songea tout haut Logan avec un sourire mélancolique, se rappelant avoir pris, ce jour-là, une petite tape sur la main de sa défunte femme quand il avait essayé de picorer un pancake encore chaud. « Popopopop, tu pourras manger quand Nathan et sa chérie seront là. En attendant, pas touche ! » l’avait-elle sermonné sur un ton espiègle avant de lui donner une petite tape sur les fesses avec une spatule. Toujours pleine de vie et prête à se plier en quatre pour son fils, elle voulait mettre toutes les chances de son côté pour faire bonne impression. « Je pense que c’était sa façon à elle de souhaiter la bienvenue dans notre famille de fou, même si ça ne durait pas longtemps ! » pour une fois, Logan ne fit pas exprès de lancer une pique à Nathan au sujet de son incapacité à rester en couple avec une fille. Il se garda bien de préciser qu’il ne comprenait pas pourquoi les filles se jouait de lui à ce point. Trop gentil ? Trop pas assez ? Le cliché des filles qui préfèrent les mauvais garçons en est-il seulement un ? « Pour l’expérience, j’aurais aimé voir la tête de ta mère si tu avais ramené une junky à diner. Elle qui n’avait jamais la langue dans sa poche, surtout concernant ton bonheur, ça nous aurait fait une belle soirée... » rien que d’imaginer la tête décomposée de sa femme, Logan ne put réprimer un rire triste, le regard perdu dans le vide. Il songea à tout ce qu’il aurait aimé vivre encore avec elle à ses côtés, à ce qu’il ne vivra plus jamais...

L’homme leva des yeux humides vers son fils et ne fut pas étonné d’y découvrir aussi des larmes dans ces derniers. Parler de Swan aussi naturellement lui faisait l’effet d’un coup de poing dans l’estomac, il repensa à la manière abjecte dont il avait traité l’Indienne et aux réprimandes que lui aurait fait sa femme. Peut-être même qu'elle l'aurait fichu à la porte en apprenant son comportement inacceptable, comment lui en vouloir ? Lui-même ne pouvait plus se voir dans un miroir, portant le poids de cette culpabilité qui ne partirait pas de sitôt.
« Son instinct ne la trahissais jamais... » il eut un haussement d’épaule, le cœur au bord des lèvres. « … sauf me concernant. Mais elle a su dompter un vaut rien comme moi, c'était son talent ! Et te voir heureux était sa priorité, donc elle aurait accepté Swan quoi qu’il en coûte. » Logan ne pouvait pas parler à la place de son épouse, surtout sur un sujet aussi sensible que Swan. Lui-même n'était pas objectif et, après toutes les erreurs qu’il avait commises, il ne pouvait décemment pas de faire de compliments sur la demoiselle. Ça aurait été hypocrite...  
Mais au fond de lui-même, il savait que cette femme qui a tant compté pour lui aurait vu en Swan une belle-fille parfaite à bien des niveaux. C’est ce qui fait qu’elle était formidable, elle voyait toujours la lumière chez les gens, là où lui n’y voyait que l’obscurité. Le ying et le yang...

« Elle me manque beaucoup, à moi aussi... » souffla-t-il après un long silence mélancolique. Jamais jusqu’ici il ne s’était autorisé à parler autant d’elle, ni même à avouer que son absence le hantait jour après jour. C’était bien plus simple d’ignorer la douleur, ou du moins faire comme si elle n’avait pas autant d’impact sur son quotidien. Paraître froid et distant, c’était la seule solution pour ne pas sombrer...  

« La règle numéro une c’est toujours de taper en premier ! » commença-t-il d’un air détaché face à l’hypothèse, bien que réelle, de son fils « Comme ça si tu tapes suffisamment fort, tu récupères la fille sans aucunes égratignures et en passant pour le héros de la nuit... » même si sa jeunesse n’était pas si loin derrière lui, Logan ne pouvait s’empêcher de penser à ses frasques rebelles comme si elles appartenaient à une autre époque, une autre vie. « J’étais un petit con à l’époque. Certes, j’étais toujours le premier à démarrer la bagarre pour laver l’honneur d’une damoiselle en détresse. Mais, manque de bol, c’était toujours sur la fin de la nuit quand j’avais trois grammes dans le sang... donc je tapais souvent à côté. » mais son propre père n’en sut jamais rien, Logan savait qu’il n’était pas aussi clémant que lui-même l'était avec Nathan. Jamais.  

Parler de cette fameuse soirée au bar était un signe du destin aux yeux de Logan qui voyait cela comme une perche qui lui était tendue. Une perche pour parler de son comportement envers Swan, se repentir de ses méfaits tout en prenant soin d’alerter Nathan sur Swan. Même s’il s’en voulait atrocement de son comportement odieux, il n’avait pas changé d’avis sur la demoiselle...
Il ne savait pas si le mauvais pressentiment qui le hantais était dû à cette jeune fille ou au mystère toxique qui entoure cette famille étrange, mais ça ne le laissait pas indifférent. Tel un père maladroit mais soucieux du bien-être de son garçon, c’était dans son devoir d’agir. Il aurait pu faire autrement, il aurait pu réagir et être plus calme, moins... mauvais. Mais il avait été fou de rage de voir Nathan sombrer dans des histoires sombres toujours à cause de la belle brune. Elle semblait semer les ennuis là où elle allait, et il se devait d’y mettre un termes une bonne fois pour toute. Il pensait encore que ce n’était pas une fille faite pour lui, qu’il méritait mieux, mais il ne pouvait pas garder ce secret plus longtemps. Connaissant Nathan, il finirait par se poser des questions sur l’absence prolongé de la belle et chercherait à nouveau à se mettre en danger pour la trouver. Il devait passer aux aveux et briser dans l’œuf ses rêves et ses espoirs avant qu'il ne soit trop tard...  
Qui sais si la prochaine fois sa tristesse ne l’enverra pas directement dans la tombe ?

Logan s’attendait à tout : que Nathan déverse sa colère sur lui, qu’il l’insulte et le reni même. Après tout, il l’aurait bien mérité, il aurait accepté la décision du garçon même si ça l'aurait brisé. Mais il ne s'attendait pas à entendre les machines s’affoler, lui rappelant de douloureux souvenirs des derniers instants de vie de sa femme. C’est pourquoi Logan ne bougea pas, tétanisé, incapable d’agir, même quand l'infirmière fit irruption dans la pièce sans se soucier de lui. Il trouva juste la force de se lever et se planquer dans un coin de la pièce, le poing contre la bouche et les bras croisés, surveillant la scène de loin mais le cœur battant. Logan ne s’en faisait pas trop pour son fils, ils étaient dans le meilleur hôpital de la ville et serait prêt à graisser la patte de n'importe quel médecin pour sauver la vie de son fils. Ce qui l’inquiétais, c’était ce déferlement de haine encore palpable malgré les calmants que l’infirmière lui injecta dans ses veines. Serait-ce la fin de leur complicité ? Logan ne pouvait pas lui en vouloir, il se détestais lui-même et ne comprenais toujours pas pourquoi il n‘en valait pas de même pour son fils adoptif. Le coeur battant, il déglutit à la question de la demoiselle, incapable de détourner le regard du visage plus paisible de Nathan.

« Des années... » souffle-t-il à sa question, ne pouvant s’empêcher de se sentir responsable du mal-être de Nathan depuis qu’il est arrivé dans sa vie. Et aujourd’hui encore il venait de le briser... Faire attention ? Guérir son coeur ? La solution serait-elle de disparaître de la vie du garçon ? Ce dernier serait certainement plus heureux sans lui. Logan était devenu un poison pour son fils en essayant de faire le bien. Ce n’était pas un héros, il avait le rôle du méchant qui finirait par tout perdre si ça continuait... « Merci pour votre aide. »

Il attendit patiemment que la demoiselle s’en aille pour se réinstaller sur le siège à côté de lui. « Je sais que ça paraît facile à dire, mais je suis désolé. Je... je ne voulais pas que ça se passe comme ça. Je... j’aimerais que tu ne me détestes pas... » ça semblait improbable, à sa place il se haïrait jusqu'à la mort. Il déglutit péniblement encore une fois et regardera son fils, les yeux suppliants.  

Logan & Nathan

Logan ne pouvait pas en vouloir à Nathan d’être aussi maladroit avec les femmes. C'était même un trait de caractère qu’il lui enviait, lui qui était si à l’aise avec le sexe opposé qu’il en devenait un peu mégalo. L’homme d’affaire s’imaginait souvent à la place de son fils, candide et doux de nature, prêt à se plier en quatre pour la femme qu'il aime. Prêt à décrocher la lune pour la femme qu’il n’a jamais aimé, donc, la mère de Nathan. Lui qui n’avait jamais été vulnérable, un roc cachant une montagne d’émotions qu’il ne comprenait pas aujourd’hui encore, il s’était mis à nu pour celle qui l’a quitté si violemment. Il s’était ouvert et lui avait montré le véritable Logan, celui que jamais plus personne ne verra. Même Nathan n’a pas conscience de l’homme qu’il a face à lui, et parfois il se surprends à penser qu’il n’est pas aussi digne de son amour qu’il aimerait le croire. Il suffit de voir ce qu’il a fait endurer à la pauvre Swan...

« Les gamines se tournent souvent vers les bad boys pour assouvir un manque d’adrénaline... » conclut-il simplement dans haussement d’épaules nonchalant « Tu étais juste un gentil garçon sur leur chemin. Trop mature et pour elle. J'ai toujours pensé que tu faisais plus vieux que ton âge de toute façon... » s’amusait-il en songeant aux nombres de fois où il disait à sa mère “ non de dieu, mais ce gamin a 17 ans et il veut déjà se marier et acheter un monospace. Arrête de le coller devant les Disney à longueur de temps ! “ et ce n’était même pas une dispute à proprement parlé. Logan craignait que la maturité du garçon l’handicaperait dans ses relations avec les autres, et ça n’a pas loupé. Bien qu’il ait à ce jour des bases d’amitié solides avec certains, il reste encore fragile et incompris par le monde qui l’entoure. Du moins c’était l’image qu’il renvoyait là, allongé et tuméfié sur ce lit d’hôpital. Logan n’avait alors pas encore compris que son petit garçon devenait un homme et continuait à penser qu’il devait être protégé.

« Ha bah tu vois, j’en savais rien mais je suis pas étonné ! » s’exclame-t-il en faisant claquer ses paumes sur ses cuisses « Elle avait toujours l’air ailleurs et dépassée par ce qui l‘entoure. Heureusement que ta mère n’en avait pas conscience, je serais encore en train de payer les trimestres d’une maison de repos à l’heure qu’il est !  » Il ironise en faisant un signe de croix vers le plafond. Logan se moquait un peu, mais il ne se serait jamais permis de juger cette petite s’il avait été mis au courant pour cette histoire de cachet. Peut-être même que c'est lui-même qui aurait pris les devants et se serait occupée de la faire placer pour son propre bien. Nathan ne pouvait décemment pas porter toute la misère du monde sur ses épaules, que ce soit pour Elisa ou Swan.  

« Je pense... je pense qu’elle serait triste de voir dans quel état tu te mets pour une fille. » Avoua-t-il à demi-mot, bien conscient que mêler sa défunte mère au problème était un coup bas. Mais il ne mentait pas cette fois-ci, il imaginait bien son front plissé par l’inquiétude en se penchant vers son fils pour vérifier sa température. Comme elle le faisait constamment quand il tombait malade, posant le dos de sa main sur son front puis son avant-bras. « L’amour... c’est donné une arme chargée à l’être aimé en espérant qu'il n'appuiera pas sur la gâchette. » soupira le brun, bien conscient qu'en mourant, son épouse avait tiré plus d’une fois dans le mile pour l’achever. Elle avait emporté une partie de son âme avec elle.  

« Essais de faire en sorte qu’il n’y a pas de prochaines fois... » suggéra-t-il sur le ton de l’humour, un minimum sérieux toutefois. Même s'il recommencerait cent fois pour lui, Logan ne voulait plus voir son fils dans cet état. Surtout pas pour Swan... « Pour ton propre bien, je vais faire comme si je n’avais rien entendu ! » répond-t-il à la pique de son fils en levant l’index vers lui, signe d’avetissement. Logan était toujours un petit con, mais la grande différence entre aujourd’hui et il y a dix ans, c’est qu’il était plus fourbe et calculateur qu’il ne l’était plus jeune. Était-ce une bonne ou une mauvaise chose ? Impossible à savoir.

Tout ce qu’il savait dans le cas présent, c’est qu’il passait un bon moment avec son fils. Malgré le contexte, malgré les perfusions qui le lient à des machines de torture, malgré son teint blafard et ses cicatrices, il voudrait revivre cet instant de légèreté pour l’éternité. Que jamais il se réveille, figé dans le temps dans cet instant, souriant à Nathan comme s’il était encore un enfant. Il voudrait ne jamais avoir à affronter l’horreur, à avoir peur pour sa vie. Mais à peine cette pensée se formule dans son esprit que Nathan cède à la panique, obligeant une infirmière à le mettre sous sédatif. Logan se sentais démuni face à cette violence macabre, à la dure réalité et la portée de ses paroles. Sa présence était une souffrance pour son fils, la vérité, un poignard planté directement dans son cœur. Alors, après avoir échangé quelques mots avec l’infirmière, comme le lâche qu’il a toujours été, il se décida à tourner les talons et à quitter la pièce. Non sans avoir entendu les murmures de son fils concernant sa bien aimé, lui qui se raccroche encore à l’espoir de la voir débarquer. Mais ça n’arrivera plus jamais, et Logan ne veux pas être présent lorsqu'il en prendra pleinement conscience. Ce serait trop douloureux pour lui...
Alors il rentra chez lui, descendit une bouteille de rhum devant un film avant de s’écrouler sur le canapé, ivre de sa douleur et de sa tristesse.    

Logan & Nathan